Le CMMP installe son
usine de broyage de minéraux à Aulnay,
en plein centre ville, en 1938. Cette usine est
classée " insalubre et dangereuse ".
Pourtant les autorités vont donner leur
accord. Elles savent le caractère
mortifère de l'amiante : dès 1906, la revue
des inspecteurs du travail relate l'hécatombe dans
une usine de textile amiante en Normandie qui fait 50
morts en 5 ans parmi les ouvriers. Début des
années 1930, la revue des médecins du
travail sort une étude complète sur
l'asbestose. Malgré cela, malgré
l'opposition des riverains (102 signatures lors de
l'enquête publique) et l'école de 600
élèves à 50 mètres de
là, l'arrêté d'ouverture sera
accordé précisant toutefois que "
les ateliers devront être parfaitement
étanches de manière à ce
qu'aucune poussière ne puisse s'en
échapper, ni par les ouvertures, ni par les
interstices existant dans les murs ou toiture ". Ces
dispositions ne seront jamais respectées,
les bâtiments de tôles et de briques toujours
en place aujourd'hui n'ont jamais eu aucune
étanchéité, les poussières
s'en échapperont d'autant plus abondantes que les
conditions de travail à l'intérieur sont
moyennageuses : l'amiante est jeté dans les
trémis et récupéré en farine
dans des sacs ; toutes ces opérations sont
manuelles et réalisées sans aucune
protection par une main d'oeuvre nord-africaine d'autant
plus docile qu'on est en pleine guerre d'Algérie.
Le tournevers est important. Un témoin survivant
de cet enfer blanc parle : "à plus de 6
mètres on ne se reconnaissait pas entre
collègues tant le brouillard de poussière
était épais".
Elles ne cesseront
qu'avec la fermeture en 1991. Quelques exemples
:
En 1955-56-57,
l'inspecteur municipal de salubrité rend des
rapports accablants " les poussières provenant de
cette usine se répandent sur les légumes du
maraîcher et le cimetière voisin ",
malgré ses interventions " les ateliers
travaillent constamment portes ouvertes ... "
En 1959, les
élus locaux qui sont très au fait des
dangers de l'amiante, multiplient les interventions en
Préfecture sans obtenir le moindre résultat
malgré l'enquête d'une commission
d'hygiène municipale dirigée par le
médecin communal qui fait état des
poussières sur le voisinage, commerces, jardins,
etc ... et souligne les risques d'asbestose pour la
santé publique. L'industriel poursuit sa
pollution en toute impunité.
En 1962, les
bâtiments sont éventrés à la
suite d'un important incendie mais la production n'est
pas interrompue pour autant. Un cercle vicieux s'instaure
: pollution = plaintes = contrôles sans suite =
pollution de plus belle = nouvelles plaintes, etc
...
En 1968 : " avis
de tolérance " de la Préfecture.
En 1970 : " le
fonctionnement de l'usine est acceptable ".
En 1971 :
pétition des parents d'élèves "
retombées nocives de poussières sur
l'école, nombreux cas de conjonctivites,
laryngites, pharyngites chez les enfants ... "
En 1972-73-74 :
les pétitions continuent " poussières
à l'intérieur des maisons situées
à 160 mètres, 3 millimètres de
poussière sur les tombes du cimetière
".
En 1977 :
l'inspecteur au cours d'un énième
contrôle admet " une fine poussière
répandue sur les toitures des pavillons
environnants "
En 1986 : le CMMP
manipule toujours de l'amiante dans son usine d'Aulnay,
ventant ses produits dans l'annuaire de la
chimie.