Maria FERNANDES 

(Ancienne d'Amisol) 

 

Trois malades sur trois (dont un décédé)

A part ça …… TOUT VA BIEN

 

 

Dans ma famille nous sommes, ou plutôt nous étions trois à avoir travaillé à AMISOL, ma sœur, mon papa et moi.

Mon papa est décédé d'un mésothéliome, ma sœur est malade et moi je suis reconnue en maladie professionnelle depuis 1996. 

En 2003, lors de la visite à l'institut de Médecine du Travail, le médecin a constaté une aggravation. J'ai attendu presque une année sans nouvelles du coté de la CPAM, puis, après une action de l'association, mon dossier a refait surface. 

J'ai alors passé une visite chez un expert pneumologue qui m'a trouvée en pleine forme et a refusé l'aggravation demandée par le médecin spécialiste qui me suit. 

J'ai alors déposé un recours au T.C.I. qui lui aussi a désigné un nouvel expert qui lui aussi a jugé que finalement ça n'allait pas si mal, et mon taux d'I.P.P. est resté le même. Quand j'ai passé les examens en 2006, mon scanner révélait à nouveau une aggravation et des épaississements pleuraux. 

Je n'ai pas fait de nouvelle déclaration, n'étant pas prête à repartir dans le circuit des experts et contre experts. 

Chaque fois qu'on se trouve face à un expert, on est en situation d'accusé. Tout est fait pour qu'on se sente " profiteur ". On doit alors essayer de se justifier, on sent ce regard, ce jugement qui pèse et qui nous met mal à l'aise. On voudrait dire, décrire, expliquer ce qu'on ressent, ce qui se passe dans notre tête, tout ce qu'on ne peut plus faire comme avant, nos douleurs, nos angoisses. Mais l'ambiance est tellement lourde devant ces experts que l'on ne parvient pas à parler de ce que l'on vit. Ils ont si vite fait de dire : " vous êtes en pleine forme " qu'on finirait par croire qu'on affabule. Mes douleurs ne les empêchent pas de dormir eux. Amisol n'est pas dans leur tête mais dans la mienne. Déjà 3 victimes dans la famille sur 3 ayant travaillé à Amisol, et pas longtemps.

Je n'oublierai jamais quand mon papa était en train de mourir à l'hôpital. Le médecin a convoqué ma mère et tous ses enfants et nous a dit : " Je vous donne le certificat qui atteste que c'est un cancer de l'amiante si vous m'autorisez à l'opérer. " Cet épisode fait partie de mes souffrances. L'histoire de ma famille et la mienne, c'est ça aussi. 

Pour moi, l'expert regarde vite fait le scanner, et encore pas toujours, vous pose quelques questions mais c'est lui qui fait les réponses. Quand vous parlez de vos souffrances, il vous répond que tout va bien.

Pour moi, l'expertise a une utilité, un résultat garanti : les euros qui tombent dans la caisse de l'expert. 

Pour les victimes, pour nous, c'est une épreuve de plus, quelquefois même une humiliation.

 

Fait à Clermont-Ferrand le 20 mars 2007