Marie-Jeanne OUTURQUIN 

(Ancienne d'Amisol) 

 

Un an d'attente 

 

 

Mon dossier en faute inexcusable est passé au T.A.S.S. de Clermont-Ferrand le 17 octobre 2002 avec délibéré le 05 décembre 2002. J'ai reçu la notification du T.A.S.S. le 20 janvier 2003. Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer mes préjudices chez le Docteur NORMAND à Lyon. 

Le Docteur NORMAND m'a convoquée pour cette expertise le 20 janvier 2004, soit un an après la décision du tribunal, et ce, après une dizaine de relances de l'avocat de l'association, lui demandant de me convoquer rapidement. 

A l'expertise, le Docteur NORMAND a regardé mes résultats d'examens (EFR et scanner), m'a auscultée, pris la tension puis m'a questionnée sur le travail à Amisol, comment je manipulais l'amiante, puis sur ma santé. J'ai expliqué comment j'étais essoufflée depuis 4 ans environ, obligée de m'arrêter pour reprendre ma respiration dans les escaliers, les quintes de toux, quelquefois accompagnées de crachats, la douleur sous le sein droit qui me gêne beaucoup et me réveille la nuit. Je lui ai dit aussi que lorsque l'on est réveillée par des douleurs la nuit, l'amiante réveille d'autres choses. Cette angoisse qu'on a tous, cette peur du pire qui nous tient et ne nous lâche jamais. 

Le Docteur NORMAND, lui, m'a expliqué que ces essoufflements et ces douleurs étaient dus aux poids et rhumatismes. Je lui ai alors dit que je faisais ce poids depuis longtemps sans être essoufflée pour autant. Quant aux rhumatismes, je sais quand même faire la différence, et mes douleurs n'ont rien à voir avec cela. J'ai mal dans certaines positions, lorsque je porte des charges un peu lourdes. Il a regardé à nouveau mon scanner et a convenu que les douleurs que je décrivais étaient situées sur les plaques pleurales. Je vis à la campagne, je marche régulièrement. Je n'ai jamais fumé et ne supporte pas l'atmosphère enfumée. Je mène une vie saine et je surveille mon alimentation. Je fais tout, pour préserver ma santé. 

Dans son rapport, le Docteur NORMAND dit que mon état n'est pas grave mais il émet quand même des réserves sur une possible extension des plaques pleurales et note la possibilité de développer une autre maladie de l'amiante. A part ça, rien de grave ! ! ! 

Ce rapport d'expertise est arrivé au T.A.S.S. le 25 mars 2004, 15 mois après le jugement. Je ne peux pas m'empêcher de penser que la possible extension devait déjà exister puisque le 03 août 2004, les nouveaux examens montraient une aggravation. Il y avait des épaississements pleuraux et une diminution de ma capacité respiratoire.  

Ayant fait une demande d'aggravation auprès de la C.P.A.M., j'ai été convoquée par le médecin conseil de la Sécurité Sociale. C'est " Madame LIANDIER " qui m'a reçue. 

Ses premières paroles ont été : " pourquoi avez-vous fait une demande d'aggravation ? " Comme si j'étais mon propre médecin. En fait, pour moi, déjà ces propos étaient suspicieux. Puis elle a pris ma tension, m'a auscultée, m'a précisé que tout allait bien. Elle a photocopié les résultats des examens que j'avais apportés. Puis, au revoir ! 

J'ai vraiment eu l'impression de la déranger, d'être venue chercher, réclamer quelque chose. 

Son comportement m'a semblé complètement déplacé, froid, pas du tout humain, à la limite de l'agressivité. Pour un peu, je me serais sentie coupable d'être malade et de faire reconnaître ma maladie. 

Les victimes c'est nous, nous n'avons pas choisi, pas demandé à être empoisonnées. Si nous avions su ce qu'était l'amiante, nous n'aurions jamais mis les pieds à Amisol. C'est révoltant de supporter toutes ces réflexions, toutes ces suspicions. Nous sommes considérées comme des pestiférées et des profiteuses du système en même temps. Les responsables de tout ça, c'est quand même pas nous ! 

Tous ces médecins qu'on appelle experts, praticiens conseils, que faisaient-ils, que disaient-ils pendant qu'on nous empoisonnait ? 

Comment ne pas avoir, en plus de nos difficultés à vivre avec tout ça, de l'amertume qui s'accumule ? 

Clermont-Fd, le 6 Mars 2007