Le 31 mai
les juges du fond du Tribunal de Grande Instance de Paris
avaient à trancher le litige portant sur
l'exportation vers l'Inde de dizaines de tonnes d'amiante
en place dans la coque de l'ex porte-avions Clemenceau,
litige entre d'une part les ministères de la
Défense et des Finances et leur partenaire, une
société panaméenne, et d'autre part
les associations de lutte contre l'amiante. Cette
exportation de déchets est une opération
qui viole totalement convention et règlement
internationaux faisant obligation à la France de
traiter et d'éliminer elle-même ses propres
déchets dangereux.
La veille de
l'audience le Préfet de Paris se faisant le
messager de l'Etat, a adressé au Procureur et au
tribunal un "déclinatoire de compétence ",
procédure exceptionnelle, héritée
d'une loi de 1790, qui a obligé le tribunal
à n'entendre les parties que sur sa propre
compétence à juger un tel conflit. Pour
leur part les parties adverses ont soutenu que la coque
de l'ex porte-avions est un matériel de guerre,
bien qu'une décision administrative de 2002 l'ait
condamné à la casse et l'ait
débaptisée de Clemenceau en coque Q790. Si
tel était le cas le litige devrait être
porté devant un tribunal administratif. Par
ailleurs si les parties adverses sont
déboutées et que le tribunal se
déclare compétent, l'Etat se réserve
le droit de porter l'affaire devant le Tribunal des
conflits. Or nous en sommes déjà à
la quatrième procédure et par cette
démarche, l'Etat - en l'occurrence son principal
représentant, Madame Alliot-Marie, Ministre de la
Défense - montre sa volonté de poursuivre
à tout prix dans la voie de
l'illégalité en multipliant les obstacles
procéduriers.
Maître
Teissonnière, avocat des associations, a, pour sa
part rappelé tout d'abord que la construction du
navire à Brest il y a un demi-siècle avait
généré parmi les ouvriers puis parmi
les marins des centaines de victimes de l'amiante qui
aujourd'hui demandent justice et n'acceptent pas que la
déconstruction du navire soit demain la source de
contamination catastrophique pour les ouvriers indiens.
Puis,après avoir démontré que la
coque Q790 n'est en rien un matériel de guerre, il
a poursuivi en remarquant que même si
c'était le cas, cela ne changerait rien au litige
et à la juridiction compétente puisque le
conflit ne porte pas sur le contenant (la coque) mais sur
le contenu (les déchets d'amiante).
La
décision du Tribunal sur sa compétence sera
rendue le 5 juillet.
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Dans le
même temps il faut signaler une décision qui
fera date, celle du Président du Comité de
suivi des déchets dangereux auprès de la
Cour Suprême en Inde, décision qui vise
à renvoyer au Danemark un navire ferry danois (le
Frédéric IX rebaptisé Riky),
envoyé en avril en Inde par ses
propriétaires pour y être
désamianté et démantelé, au
mépris des conventions
internationales.
Il apparaît
ainsi que l'on est à un tournant de la lutte
contre la politique criminelle de certains pays
développés qui tentent de se
débarrasser de leurs déchets en les
envoyant dans des pays dépourvus de
véritable législation de protection de la
santé des travailleurs et de protection de
l'environnement.
Est-ce là
la politique que le chef de l'Etat entend promouvoir
quand il se pose en partisan de la lutte pour la
protection de l'environnement ?