La manifestation du 30 septembre à Paris pour la tenue d'un procès pénal de l'amiante et l'organisation à Bobigny d'un débat sur : " Combien de Clemenceau en Seine St Denis ? " ont donné à quelques-uns d'entre nous l'occasion de se rencontrer de manière informelle. Etaient présents samedi 30 au soir Annie, Henri, Nicole et Gérard, Geneviève Tordjman, Patrick Herman, ainsi que Pierrette et François Iselin (animateurs du CAOVA en Suisse).
Un point a d'abord été fait sur les procédures judiciaires actuellement en cours en Italie.
Il faut rappeler qu'à la suite du procès de Syracuse, qui a vu pour la première fois des dirigeants d'Eternit lourdement condamnés, est menée à Turin une instruction concernant les plaintes déposées par les ouvriers ayant été exposés à l'amiante dans deux usines Eternit en Suisse(voir à ce sujet la brochure " Eternit, le blanchiment de l'argent sale " éditée récemment par le CAOVA - site Internet : www.caova.ch ).
Cette instruction a commencé par une longue bataille judiciaire, la société Eternit refusant de communiquer la liste des ouvriers ayant travaillé dans ses établissements .Elle y a été contrainte et un gros travail de recherche a été mené conjointement en Italie par un médecin, Enzo Merler, et par le CAOVA en Suisse pour retrouver tous les ouvriers exposés.
Des fichiers ont été échangés. Mais, selon François Lafforgue (notre avocat), les contacts se sont interrompus de manière assez inexplicable depuis quelques mois. Il faut donc les renouer, et ce d'autant plus que l'instruction menée à Turin et qui vise pour la première fois en Europe la " tête ", en l'occurrence les frères Schmidheiny une des quatre grandes familles de la mafia de l'amiante, est terminée (ou sur le point de l'être). Le problème est que ,avec la loi sur les remises de peine concoctée par Berlusconi en Italie, si le procureur de Turin ne prend pas les réquisitions maximum, les gros poissons risquent encore de passer à travers les mailles du filet
Raison de plus pour suivre de près ce qui se passe à Turin et se préparer à prendre des initiatives :
- projet d'une manifestation européenne à Turin lors du procès (il nous faut donc en connaître rapidement la date).- en attendant, il nous a semblé à tous nécessaire d'organiser une réunion de BAN en Suisse afin de faire le point sur l'avancement des plaintes au pénal contre Eternit en Europe (d'ici à la fin de l'année et, en tout état de cause, avant le procès de Turin). Seraient invités tous ceux qui, en Italie, en Suisse et en France, ont travaillé sur ce dossier, ainsi qu'une journaliste suisse qui prépare un livre à ce sujet, une responsable de la Fédération internationale du bois et de la construction qui travaille à Genève, les Eternit de France, Belgique, etc , Bob Ruers qui, en Hollande, est le " spécialiste " de la question, la liste n'est pas encore établie.
Cette fois-ci, Henri Pezerat a soulevé le problème d'arriver à aller au-delà de l'inculpation éventuelle des chefs d'établissement en déposant des plaintes contre ceux qui ont tiré les ficelles au plus haut niveau, à savoir Schmidheiny en Suisse, Cuvelier en France et Emsens en Belgique. Il va falloir en parler avec nos avocats, rassembler les documents établissant la responsabilité des dirigeants et trouver une (ou des) personne(s) acceptant de porter plainte. A suivre donc.
- Le prolongement de l'affaire du Clem : ce prolongement s'appelle le " France " qui a été accueilli récemment dans les eaux territoriales indiennes pour " raisons humanitaires "(sic). Il semble que certains éléments du navire aient commencé à être démontés. Il semble également que le ministre indien de l'Environnement manuvre pour tenter de " renverser la jurisprudence du Clem ". Nos amis indiens de BAN n'ont pas baissé les bras pour autant et mènent la bataille devant la Cour Suprême.
- A propos de la déconstruction des navires en fin de vie , Annie Thebaud-Mony nous a rappelé qu'une plate-forme d'associations est en train de se mettre en place afin de pouvoir intervenir efficacement sur le devenir de la Convention de Bâle et le problème du " shipbreaking ". Cette plate-forme regroupe actuellement Bellona (ONG norvégienne), Greenpeace, la FIDH, Ban Asbestos France, IBAS(International Ban Asbestos Secretariat), ainsi que deux associations du Bangla Desh et tout le réseau d'associations indiennes. Ingvild Jenssen, de Bellona, en assure actuellement l'animation. Elle a été embauchée jusqu'à la fin de l'année et il va falloir absolument trouver les moyens de pérenniser son poste. Dans un premier temps chaque association membre de la plate-forme va apporter sa contribution selon ses possibilités. BAF sera également présent au CA de cette plate-forme, une présence indispensable eu égard au rôle joué par BAN dans la bataille navale du Clem.
Le dimanche 1er octobre à Bobigny
biennale sur l'environnement organisée par le Conseil Général du 93 :
Ingvild Jenssen (cf supra) a évoqué les palabres actuellement en cours autour de la Convention de Bâle et les tentatives de l'OMI (Organisation Maritime Internationale) pour faire évoluer cette dernière dans un sens qui convienne mieux aux armateurs. Martin Besieux, de Greenpeace International, a parlé des campagnes menées actuellement par Greenpeace sur l'exportation des déchets électroniques et sur le projet d'une politique européenne stipulant que les navires en fin de vie relevant directement de l'autorité des gouvernements européens soient démantelés en Europe. Annie a rappelé le cas du Foch., vendu par la France au Brésil, rebaptisé Sao Paulo, il continue de naviguer pour le compte de l'armée brésilienne avec un millier d'hommes à bord. Affaire à suivre avec Fernanda au Brésil.
Nos avocats étaient également là. Jean-Paul Teissonnière est revenu rapidement sur les batailles importantes remportées récemment :
- l'avis du Conseil d'Etat sur le Clem : il a mis à jour l'opposition entre deux logiques. Celle de l'Etat qui veut vendre au meilleur prix le matériel dont il entend se débarrasser et, ce faisant, défend son intérêt. Celle des travailleurs indiens qui entendent voir leur santé préservée. Et il tranche : c'est le droit à la santé qui doit primer sur les considérations économiques.
- l'affaire Alstom : l'arrêt rendu par le tribunal correctionnel (mais Alstom a fait appel) est particulièrement important car il permet au droit pénal de redevenir un outil de prévention ; pour la première fois, des personnes exposées à l'amiante vont être indemnisées (sous réserve du jugement d'appel) pour le simple fait d'avoir justement été exposées et avant même qu'elles ne deviennent, éventuellement, victimes. Arrêt important car, comme l'a souligné Jean-Paul, il s'agit, à l'inverse d'un accident où il y a unité de temps et unité de lieu, d'une affaire (comme toutes celles de l'amiante) où il y a dissociation dans le temps, l'apparition du dommage causé à la santé survenant souvent des dizaines d'années après l'exposition. En rendant cet arrêt, le Tribunal réactualise (pour des raisons financières ) l'intérêt de la prévention pour les opérateurs industriels.
Pour sa part, François Lafforgue a insisté, à partir des exemples du Clemenceau et du CMMP à Aulnay, sur l'importance de la synergie entre l'action des associations et le travail des juristes. Sans cette synergie et la poussée du mouvement social, il est beaucoup plus difficile de gagner des luttes qui ne sont pas évidentes.
On s'en aperçoit également dans l'affaire du CMMP dont Gérard Voide a rappelé l'essentiel puis les développements récents :
· fin de l'enquête de l'INVS quant au nombre de maladies et de décès à proximité de l'usine. Elle confirme ce que les associations disaient depuis 4 ans. A ce propos, Annie a attiré l'attention sur la bataille qu'il a fallu mener contre le protocole qu'entendait établir l'INVS pour cette enquête. A protocole biaisé, résultats garantis (pour les autorités) : RAS ! D'où l'importance de se battre le plus en amont possible pour ne pas se retrouver piégés à la sortie. L'INVS,cette fois-ci, n'a pas pu conclure que les malades et les morts enregistrés aux abords de l'usine étaient dus au hasard. déménagement en juillet de l'école qui jouxte l'usine, sans concertation aucune, selon une tradition bien établie.
· découverte sur un mur extérieur du CMMP, côté cimetière, de " coussins " isolants d'amiante (amosite à l'intérieur, enveloppe en chrysotile, selon les résultats de l'analyse effectuée) recouverts par des bardages. Toutes les expertises qui ont eu lieu jusqu'à présent n'avaient pas réussi à remarquer cela. C'est la confirmation que le confinement de l'ensemble de l'établissement par mise sous bulle pour les opérations de désamiantage et de déconstruction est la seule solution garantissant la sécurité pour les travailleurs qui vont intervenir et la population environnante. Prochains développements imminents.
Patrick Herman
Président de Ban Asbestos France