ETERNIT : le procureur Guariniello a été espionné pendant quatre ans avant de commencer son enquête.
Laccusation au procès : ils savaient quils tuaient mais ils préféraient se taire.
Article de Stefano Caselli paru dans Il Fatto Quotidiano du 28 septembre 2010 Coupure de presse transmise par Jean M. Trad. A. F..
(source CAOVA du 17 octobre 2010)
Ce nest pas vrai que les dirigeants de la multinationale suisse ne sintéressaient pas aux entreprises italiennes dEternit. Bien au contraire, ils les géraient directement, et ils savaient bien que le problème des morts causés par lamiante, aurait, tôt ou tard, éclaté au grand jour. Pendant des années ils se sont préparés pour affronter le coup, au point de mandater une agence de Milan pour quelle affine des stratégies de communication les mieux appropriées, sans oublier la surveillance attentive de Raffaele Guariniello. Cest ce qui est ressorti ces jours-ci à Turin, lors de la reprise du procès ETERNIT, qui voit le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny accusé de catastrophe intentionnelle permanente pour les morts dus aux microfibres damiante, plus de 3000 décès dans toute lItalie, dont plus de 2000 dans la seule ville de Casale Monferrato : «Mais ici déclare accablé Bruno Pesce, ex syndicaliste, animateur historique de lAssociation familiale des victimes de lamiante on continue à mourir, au moins une personne par semaine. Abestose, mésothéliome, tumeur pulmonaire cest une hécatombe».
Gestion suisse depuis 1972
Le procès, initié en avril 2009 avec plus de 6000 parties civiles, nest pas le premier de ce genre, mais les précédents tous pour homicide intentionnel ne concernaient que des petits poissons de ladministration dETERNIT Italie. Cette fois, léquipe du procureur adjoint Raffaele Guariniello est allé plus loin en mettant directement en cause les dirigeants de la multinationale soit Stephan Schmidheiny et le baron belge Louis de Marchienne). Les propriétaires se sont toujours déclarés étrangers à ladministration des fabriques italiennes (Casale Monferrato, Bagnoli, Cavagnolo et Rubiera), mais la réalité qui émerge des débats est fort différente. Selon le compte-rendu du comptable Paolo Rivella, conseiller de laccusation, le fait de confier la gestion de Eternit Italie au groupe suisse remonterait, selon les documents, à 1972. « Les nombreuses interventions de S. Schmidheiny en Italie ressortent clairement dans les expertises, déclare Pesce. Malgré la crise de 1978, lintention de continuer à investir dans lamiante est évidente; et effectivement entre 1980 et 1983, on rejoint le maximum historique des montants facturés. Pourtant, il était bien connu que lamiante tue et si Eternit avait fermé ses portes avant 1986 (date de la faillite de létablissement de Casale, ndr) on aurait épargné des centaines de morts »
«Stephan Schmidheiny savait quil était le propriétaire des fabriques italiennes déclarait Raffaele Guariniello lors de laudience mais il a tout fait pour le cacher».
Au Tribunal la déposition de lexpert Rivella :
«Ils ont tout fait pour garder les dirigeants suisses en dehors de lentreprise ».
Neutraliser la tuile.
Mais il y a plus grave encore. Non seulement les prévenus auraient pris directement sur eux la gestion des usines incriminées tout en connaissant les risques pour la santé , mais, même après 1986, ils ont continué à sintéresser à laffaire en se préparant activement à neutraliser la tuile des morts de lamiante : « Nous avons découvert, explique lexpert Rivella, qu entre 2001 et 2005, S. Schmidheiny, a payé 1 million deuros à lagence MS & L Bellodi de Milan pour organiser un réseau dinformateurs capables de manipuler linformation sur lamiante. Lagence proposait des stratégies, en conseillant aux suisses de garder un profil bas. Une attention particulière était en outre donnée à lobjectif de garder laccusé principal en dehors des possibles procès.« Sts (Schmidheiny, ndr) lit on dans une note envoyée en 2000 depuis la Suisse à Milan ne doit jamais comparaître quelle quen soit la raison ». Lenquête ne débutera quen 2004: « Schmidheiny avait compris tout de suite, ce que je nai, malheureusement, réalisé que des années plus tard » commente de Raffaele Guariniello. Effectivement, le procureur adjoint du Tribunal de Turin était lobjet dune attention particulière de la part du système de surveillance de la multinationale. « Des informations très confidentielles a été dit au Tribunal contenues dans des dossiers dans lesquels on annonçait lexistence de publications sur MicroMega et de participations du magistrat à des réunions « apparentées à des associations de défense de lenvironnement ».
L "espionnage ne sarrêtait pas à la seule personne de Guariniello : « Nous avons découvert rappelle Bruno Pesce quune journaliste qui avait fréquenté nos initiatives pendant 16 ans, était payée par Bellodi et participait activement, posait beaucoup de questions, écrivait des articles dans la presse locale. Moi je la considérais comme une personne un peu agitée, mais ». Selon la défense des accusés, qui conteste lintrusion des experts dans les affaires réservées au ministère public, les dossiers ne contiendraient rien dautre que « des informations de domaine public ». Lors de la prochaine audience la parole leur sera donnée