La Cour de cassation élargit la protection des salariés victimes de l'amiante
METZ - Une "faute inexcusable" peut être retenue contre un employeur ayant exposé ses salariés à l'amiante avant même la première réglementation nationale sur l'asbeste adoptée en 1977, a-t-on appris jeudi de source syndicale à Metz.

Dans un arrêt rendu le 19 novembre à Paris, la cour de cassation a statué que la Sogerail-Corus de Hayange (Moselle), qui fit partie de l'empire sidérurgique des Wendel avant de passer sous le contrôle du groupe indien Tata Steel, aurait dû protéger ses ouvriers de l'amiante avant 1977, "conformément à la réglementation (déjà) en vigueur", a précisé la CGT.

Avec cet arrêt qui devrait faire jurisprudence, la haute juridiction a estimé que la "faute inexcusable" pouvait être retenue contre un employeur ayant exposé ses salariés à la poussière d'amiante alors même qu'aucune législation n'interdisait l'utilisation de l'asbeste.

Le décret du 17 août 1977, qui fixe des seuils d'empoussièrement dans les installations industrielles, était régulièrement opposé par les employeurs aux salariés dont les contrats de travail étaient antérieurs à cette date et qui, ayant contracté une maladie professionnelle causée par l'amiante, leur demandaient réparation.

Les patrons arguaient notamment qu'il ne pouvait leur être reproché de ne pas avoir appliqué avant 1977 une réglementation inexistante. "Le risque d'asbestose était connu depuis la fin du XIXe siècle et il a été inscrit, en 1950, sous le n° 30 comme maladie professionnelle +consécutive à l'inhalation d'amiante+", avait répliqué la CGT devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale (Tass) de Metz saisi en 2005.

Le syndicat demandait alors 267.000 euros de dédommagement pour la famille de Rocco Sciotti, un machiniste ayant travaillé de 1941 à 1979 à Hayange avant de décéder d'asbestose en 2001. Rejetée en première instance, la demande n'avait pas davantage été acceptée en 2008 par la cour d'appel de Metz.

La juridiction de deuxième instance avait notamment estimé que "les appelants ne rapportaient pas la preuve de ce que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel M. Sciotti était exposé".

Dans ses attendus, la cour de cassation juge au contraire "qu'en l'état de la réglementation applicable avant 1977, l'employeur avait connaissance de la nécessité d'assurer un bon renouvellement de l'air des ateliers et de prévenir l'inhalation de l'amiante".

D'après l'Association de défense des victimes de l'amiante, l'asbestose cause 3.000 décès par an dans le pays. Selon les prévisions les plus pessimistes des experts en santé publique, elle pourrait faire 100.000 morts d'ici à 2025. Utilisée massivement dans l'industrie pendant des décennies, l'amiante n'a été interdite qu'en 1997 en France.

(©AFP / 26 novembre 2009 14h55)