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Aulnay, le 31 Octobre 2007

 

Recommandé avec AR

Ministère de la Santé de la Jeunesse et des Sports

Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable

Ministère du Travail des Relations sociales et de la Solidarité

 

Objet : site pollué du CMMP d'Aulnay-Sous- Bois

 

 

Madame, Monsieur le Ministre,

 

A la suite du jugement du TA de Cergy Pontoise le 4 Juillet 2007, un nouveau permis de démolir et un nouveau plan de retrait Amiante doivent être déposés, portant cette fois sur la totalité des bâtiments, du sol et du sous-sol du site pollué du CMMP 107 rue de Mitry à Aulnay-Sous-Bois (93).

Lors de la réunion en préfecture le 19 Octobre 2007, à laquelle participaient nos associations, Monsieur le Secrétaire Général a présenté la démarche suivante : avant tout dépôt officiel de demande de permis de démolir et de plan de retrait Amiante, des pré-projets feront l'objet d'une présentation et d'un examen " préalable ", " informel " par les trois Ministères concernés, Santé-Ecologie-Travail, en vue de rechercher un consensus.

Ces pré-projets, couvriront trois domaines :

1. la dépollution des bâtiments

2. leur démolition sécurisée

3. l'assainissement des sols et sous-sol

L'examen préalable et simultané de ces pré-projets avant tout début des procédures administratives devrait permettre d'avoir une visibilité globale sur la méthodologie à retenir du début à la fin des opérations. Ces pré-projets, non " ficelés " seront ensuite soumis aux différentes parties y compris les associations, qui sont partie prenante dans cette affaire et dont la représentativité, la connaissance du dossier et l'expertise ne peuvent plus aujourd'hui être contestées. Ce n'est qu'au terme de ces consultations que la demande de permis de démolir et le plan de retrait Amiante seront officiellement déposés. Nos associations ont approuvé cette façon de procéder.

Notre présent courrier se situe donc dans ce contexte, nous l'avons voulu commun aux trois Ministères, considérant en effet que le dossier ne peut se " saucissonner ", même si tel ou tel texte réglementaire concerne plutôt telle ou telle autorité.

Nous tenons à vous déclarer qu'en tout état de cause, le plan de retrait Amiante ne pourrait se satisfaire d'un " copier/coller " étendu aux autres bâtiments de l'ancien plan déposé en 2006 par Coteba-Occamiante pour le bâtiment B. Ce plan - dépoussiérage partiel à sec suivi d'une démolition classique à ciel ouvert - est dangereux et en infraction avec la réglementation sur le retrait d'amiante friable et sur le repérage avant démolition des matériaux contenant de l'amiante. Cette méthodologie proposée doit être définitivement abandonnée.

La publication de l'étude de la CIRE-InVS vient opportunément démontrer l'ampleur de la pollution au travers de la monographie historique de l'usine : le tonnage d'amiante broyé, les trois variétés (crocidolite, amosite, chrysotile), l'empoussièrement démentiel dans les ateliers, l'échappement massif des poussières vers l'extérieur, la finesse des poussières s'agissant de production de " farine d'amiante ", le nombre important des premières maladies professionnelles reconnues, préfigurant une catastrophe sanitaire qui reste à évaluer. Autant de faits incontestables démontrant l'étendue de la pollution du site par la poussière d'amiante non seulement déposée mais incrustée dans les structures et dans des endroits inaccessibles.

Pour toutes ces raisons, les victimes et la population exposée durant plusieurs décennies sont en droit d'exiger un chantier exemplaire en matière de sécurité tant pour les travailleurs que pour les riverains et les écoles mitoyennes. L'industriel pollueur comme les autorités qui ont laissé faire leur doivent bien cela.

La connaissance que nous avons de ce dossier - 12 ans de travail - nous autorise également à demander le plus strict respect de la réglementation, réglementation précise, sans doute la meilleure au monde, qui ne souffre en l'occurrence aucune difficulté d'interprétation s'agissant du CMMP d'Aulnay, et nous avons du mal à comprendre les hésitations des autorités en la matière. A moins que ne soit privilégié l'économique sur le sécuritaire, mais serait-ce là le rôle des autorités ?

L'arrêté du 2 Janvier 2002 :

Il s'agit en premier lieu de faire respecter l'arrêté du 2 Janvier 2002 relatif au repérage de l'amiante avant démolition. Monsieur le Directeur Général du Travail et Monsieur le Directeur de la Santé, sont chargés chacun en ce qui les concerne de son application (article 3). Or, il n'a pas été recherché l'amiante :

- sur les façades extérieures des bâtiments (traces pourtant toujours visibles actuellement) 

- à cœur des briques creuses à porosité ouverte et sur lesquelles on peut voir de nombreux trous 

- en dépôt sur toutes les faces des plaques de toiture (chrysotile contenu dans l'amiante-ciment mais aussi crocidolite, voire amosite résidus de l'ancien broyage du CMMP) 

- à l'interface des murs et de la toiture 

- à fleur de terre par prélèvements (le CMMP, juge et partie, a fait procéder à 70 prélèvements en Novembre 2006 mais s'est abstenu d'en communiquer les résultats) 

- en sous-sol par carottage sous l'emplacement des onze broyeurs (les associations ont communiqué des plans permettant de les situer) 

- dans les volumes creux (fosses évoquées dans un document du CMMP, gaines techniques souterraines pour alimenter les moteurs électriques des broyeurs) situés en contrebas du sol des ateliers. 

Sans ces recherches imposées par la réglementation, il n'est pas possible d'établir un permis de démolir et un plan de retrait Amiante complets et sérieux.

Monsieur le Directeur Général du Travail, dans sa réponse du 15 Octobre 2007 suite à notre lettre du 26 Juin 2007, fait état de l'article R231-59-11 du Code du Travail pour indiquer la dérogation possible au retrait préalable de l'amiante " lorsqu'il causerait un plus grand risque pour les travailleurs que si l'amiante était resté en place ". 

Cette dérogation n'a pas lieu d'être pour ce site, bien au contraire, c'est l'absence de recherches d'amiante y compris par sondages destructifs (annexe II point 2 de l'arrêté) qui ferait courir des risques aux travailleurs lors de la déconstruction des murs, de l'enlèvement de la dalle de sol et du remuement des terres contenant des poussières d'amiante. 

Le rapport de la CIRE établit que des milliers de tonnes de farine d'amiante ont été broyées sur une période d'une trentaine d'années dans des ateliers dont l'atmosphère était saturée de poussières d'amiante (jusqu'à 930 000 particules par cm3). Ces poussières d'amiante friable se sont disséminées sur l'ensemble du site. De ce constat, on ne peut tirer qu'une seule conclusion : sur ce site désamiantage et déconstruction sont indissociablement liés dans une même opération sécurisée. Pour désamianter totalement, il faut déconstruire. 

C'est la raison pour laquelle nous insistons pour qu'il soit procédé - conformément à la réglementation - à un repérage exhaustif de la présence d'amiante avant tout démarrage du chantier. Ce repérage est la condition sine qua non d'une véritable évaluation des risques dont la nécessité est soulignée, à quatre reprises, dans la lettre de Monsieur le Directeur Général du Travail. Cela éviterait des erreurs comme à Jussieu (A Jussieu, la recherche d'amiante n'avait pas été exhaustive et l'on découvre aujourd'hui, lors de la rénovation des façades des barres désamiantées à l'intérieur, de l'amiante friable aux extrémités de poutres floquées et des poussières dans le sandwich des panneaux extérieurs. Cela nécessite donc un nouveau confinement cette fois à l'extérieur. Et qui dit nouveau chantier dit nouveau coût).  

Arrêté du 14 Mai 1996 : 

S'agissant de l'arrêté du 14 Mai 1996 relatif aux règles techniques de retrait d'amiante friable, nous notons avec satisfaction la réponse de Monsieur le Directeur Général du Travail sur le caractère incontestablement friable de la poussière d'amiante à traiter et sa conséquence : " le respect des règles techniques qui s'imposent pour ce type de travaux, notamment celles précisées par la section 1 de l'arrêté du 14 Mai 1996 ". 

C'est la raison de notre demande insistante - après celle des experts Messieurs Bisson et Baréa (cf. rapports des 23/03/2004 et 02/06/2004) d'une enveloppe étanche au passage de l'air et de l'eau autour des éléments de construction à traiter (article 2), c'est-à-dire un confinement par l'extérieur de chaque bâtiment durant toute la durée des travaux, sauf à prouver qu'il n'y a pas d'amiante en façade extérieure des murs et à cœur des briques. 

Encore une fois, doivent s'appliquer conjointement les dispositions de l'arrêté du 14 mai 1996 sur le retrait d'amiante friable et celles de l'arrêté du 2 janvier 2002 relatif au repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante avant démolition pour réaliser un plan de retrait Amiante valable. S'ajoutent, bien entendu, les autres dispositions de la section 1 de l'arrêté du 14 Mai 1996 : 

- le traitement à l'humide

- la réalisation d'un tunnel de décontamination

- les EPI avec adduction d 'air

- le maintient en dépression permanente, etc … 

S'ajoutent également la nécessité de décrire la méthodologie de déconstruction des murs qui ne peut consister en l'abattage classique de ceux-ci (à la pelleteuse ou au boulet) - d'autres techniques existent - s'il est prouvé, comme nous le craignons, que les fibres y ont pénétré. 

La toiture, le sol : 

Deux autres raisons justifient le confinement des travaux : l'état de la toiture et la pollution du sol et du sous-sol. 

Le délitement important de la toiture a été constaté par les Experts Messieurs Bisson et Baréa. Un document réalisé par les associations en juillet 2006 (" 49 photos ") met en évidence un processus de décohésion du matériau par formation de trous et de fissures verticales, ainsi que par décollement de feuillets sous l'effet des mousses et des intempéries. Cette toiture a été posée en 1928 (cf. rapport de la CIRE). Même si, peut-être, certaines plaques ont été remplacées depuis, il faut être d'une totale mauvaise foi pour conclure, comme certains organismes, qu'elle se trouve dans un " état satisfaisant " (rappelons que l'amiante-ciment à l'époque était garanti par les constructeurs pour seulement 50 ans !) 

La circulaire DRT n° 98-10 du 5 Novembre 1998 précise dans son annexe que l'amiante-ciment peut être considéré comme de l'amiante non friable lorsqu'il est fortement lié. Il n'en est pas de même pour l'amiante-ciment dégradé qu'il convient alors de considérer comme de l'amiante friable à traiter comme tel, nécessitant " un confinement aussi poussé que dans le cas de matériaux friables ". Monsieur le Directeur Général du Travail en convient indiquant que le confinement peut aller jusqu'à celui exigé à l'article 2 de l'arrêté du 14 Mai 1996, évoquant une fois de plus l'évaluation des risques. 

Etant donné les avis pour le moins contradictoires sur l'état de la toiture, nous proposons une expertise indépendante. En ce qui nous concerne, nous ne croyons pas à un démontage, même précautionneux, de cette toiture à ciel ouvert qui se déroulerait sans bris de plaques ni émission de fibres d'amiante de la zone de travail vers le voisinage. S'agissant d'amiante devenu friable, le confinement s'impose. 

Le sol : 

Il est incontestablement pollué comme l'ont révélé les relevés sur intervenants et quelques analyses de terres réalisés lors du débroussaillage du début de chantier en Novembre 2006 interrompu par l'Inspecteur du Travail après alerte des riverains. Coteba, lui-même, s'étonne de cette pollution dans une lettre du 08/11/2006 au CMMP. Les associations ont, depuis fort longtemps, attiré l'attention sur les risques dus à la pollution des sols. Nous ne sommes donc pas étonnés des résultats de ces analyses et de ces mesures. 

Il est par ailleurs curieux qu'à la suite de cet incident, qui a motivé une intervention de l'inspection du travail et un arrêt des travaux, Coteba ait fait procéder à 70 prélèvements dans le sol en Novembre 2006 et n'en ait pas communiqué les résultats aux deux experts nommés par le TA de Cergy Pontoise. 

Là aussi, nous notons avec satisfaction l'évocation par Monsieur le Directeur Général du Travail de l'article 231-59-15 du Code du Travail prévoyant également l'évaluation des risques et l'élaboration d'un mode opératoire. C'est exactement la raison de notre demande citée plus haut, vieille de 7 ans, de recherche d'amiante dans le sol et le sous-sol en vue de définir une méthodologie : 

1. pour dépolluer sous les dalles des bâtiments (à l'origine le sol des ateliers de broyage n'était pas cimenté, mais simplement recouvert de mâchefer) 

2. pour dépolluer sur les sols et dans le sous-sol entre les bâtiments. 

S'agissant du risque d'envol de fibres lors de ces opérations d'assainissement des sols et de retrait des dalles de béton du sol, un confinement, d'une manière ou d'une autre, s'impose. 

Remarque concernant le confinement extérieur global

Les objections techniques évoquées par Coteba dans nos discussions antérieures ne tiennent pas. Si l'on est capable de construire une enveloppe autour de la tour Olivier de Serre dans le 15ème arrondissement,haute de 15 étages et de 60 mètres, ou à la Cité de l'Air tour F-BA117 pour le désamiantage/déconstruction de parties en béton, on doit pouvoir le faire sur les bâtiments de briques du CMMP hauts de 8 à 12 mètres. 

En ce qui concerne l'analyse du protocole de désamiantage de BRGM - ADEME demandé par le Ministère de l'Ecologie, nous tenons à souligner qu'elle a été faite sans que ses auteurs n'aient eu connaissance de documents majeurs indispensables à toute évaluation des risques (résultats d'analyses, expertises, étude de la CIRE). Vous trouverez, ci-joint, copie de nos lettres au BRGM et à l'ADEME du 07/03/2007 restées à ce jour sans réponse. 

Etude de la CIRE - InVS : 

Les associations se réjouissent de la publication de l'étude de la CIRE demandée en 1998. Elles accueillent le communiqué de presse du Ministère de la Santé comme une avancée. Le numéro vert 0800130000 peut aider des victimes à se faire connaître à condition qu'il soit largement diffusé dans les médias presse, TV, radios. Néanmoins, il reste à honorer la promesse officielle faite en 2002 de procéder à une recherche active de victimes à partir des listes nominatives des enfants exposés des écoles voisines de l'usine. D'autres recherches sont possibles auprès des anciens ouvriers, comme des habitants du quartier (listes aux archives municipales des habitants du quartier par rue), et dans la région d'Algérie dont sont originaires un certain nombre de salariés. 

Une information des médecins est prévue mais les associations demandent aux autorités sanitaires de mettre en place un dispositif de signalement systématique, comme cela se pratique pour les maladies contagieuses, afin de repérer les nouveaux malades exposés par le CMMP. 

Le suivi médical des personnes exposées dans un cadre professionnel et environnemental, et qui le souhaitent, doit être gratuit et de qualité. Toutes les personnes contaminées par le CMMP doivent être recherchées, retrouvées et informées sur leurs droits. C'est un devoir auquel les autorités qui n'ont pas su les protéger ne peuvent se soustraire. 

Nous restons à votre disposition et sommes prêts le cas échéant à vous rencontrer. 

Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions d'agréer, Madame, Monsieur le Ministre, l'expression de nos salutations respectueuses. 

 

Collectif des riverains et des victimes du CMMP : Gérard Voide

Associations des parents d'élèves de l'école du Bourg : Catherine Lerat

ADDEVA 93 : Alain Bobbio

Ban Asbestos France : Henri Pezerat

Aulnay Environnement : Jean-Pierre Potot

 

copie : Monsieur le Préfet, Monsieur le Maire d'Aulnay, Direction Générale du Travail, DDASS, STIIIC, CRAMIF, BRGM, ADEME, DDT du 93 et du 44, DRT Ile de France et Charente, Inspection du Travail d'Aulnay, DDMT du 93 et du 44, DRMT Ile de France et de Charente, InVS, CIRE, INRS