Le scandale de l'amiante, "un naufrage judiciaire"

Le Point.fr, le 05/02/2012 http://www.lepoint.fr/societe/scandale-de-l-amiante-un-naufrage-judiciaire-01-02-2012-1426335_23.php

La chambre de l'instruction a annulé en décembre dernier sur des détails de procédure les mises en examen dans le dossier Eternit.

"C'est un naufrage judiciaire, tonne Jean-Paul Teissonnière, l'un des avocats des victimes de l'amiante. Seize ans de procédure pour en arriver là dans un dossier dont le bilan humain se chiffre en dizaines de milliers de morts !"

La juge Marie-Odile Bertella-Geffroy a dû parvenir à la même conclusion en décidant, fait exceptionnel, de faire part de sa frustration devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). En réalité, la vice-présidente du pôle de santé publique, chargée de l'instruction au tribunal de grande instance, réagit à son dessaisissement dans l'un des plus gros dossiers de l'affaire de l'amiante, celui des responsables des cinq usines d'amiante-ciment de la société Eternit, entreprise symbole du plus important scandale de santé publique qu'ait connu la France.

Le 16 décembre 2011, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris annulait, sur des détails de procédure, leurs mises en examen, dont celle de son dirigeant historique Joseph Cuvelier, et confiait le dossier Eternit à deux autres magistrats : "C'est une catastrophe, estime Michel Ledoux, autre avocat de victimes. Le premier est sur le départ et le second est déjà enseveli sous l'affaire du Mediator. La présidente de la Chambre de l'instruction a brillamment nettoyé l'affaire."

"La justice française va se couvrir de ridicule"

Réplique immédiate de la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy : la mise en examen, pendant les fêtes de Noël, des principaux responsables du Comité permanent amiante (CPA), le lobby des industriels du secteur <http://www.lepoint.fr/societe/les-lobbyistes-de-l-amiante-mis-en-examen-10-01-2012-1417114_23.php> . Mais en montant encore d'un cran dans la chaîne des responsabilités, la juge commence à se rapprocher dangereusement des responsables politiques de l'époque, sa prochaine cible étant logiquement les membres des cabinets ministériels en charge de la Santé et du Travail et ceux des ministres qui les dirigeaient.

Enfin, comme pour mieux souligner l'étouffoir dont sont victimes la majorité des affaires de santé publique en France, la démarche de la juge auprès du CSM anticipe de quelques jours le verdict qui sera rendu à Turin - après trois ans seulement d'instruction -, contre les industriels italiens et belges responsables du même scandale. "La justice française va se couvrir de ridicule car leurs responsables, après un procès exemplaire, vont être très sévèrement condamnés", ajoute Me Ledoux.