Inquiétudes sanitaires autour de la présence d'amiante naturel.
16 février 14:39 - NOUMEA (AFP) - Une vaste étude est en cours en Nouvelle-Calédonie pour recenser les zones d'affleurement d'amiante naturel, une substance à l'origine d'un taux important de cancer de la plèvre dans l'archipel, mais derrière ce minéral, certains visent aussi le nickel.
La présence d'amiante naturel sur le "caillou" a été mise en évidence en 1994 après une étude de l'Inserm qui avait décelé un taux de mésothéliomes- cancers de la plèvre- dix fois supérieur parmi les 230.000 habitants de Nouvelle-Calédonie à celui de métropole.
Le lien avait alors été fait avec l'utilisation, sur les cases mélanésiennes, d'un enduit blanchâtre, confectionné avec une roche friable: la trémolite, la plus dangereuse forme d'amiante.
Lors des activités ménagères dans les cases, des concentrations parfois supérieures à 7.000 fibres d'amiante par litre d'air avaient été relevées, pour une valeur plafond légale dans les bâtiments de 5 fibres par litre.
17 millions d'euros plus tard, un millier de cases dangereuses ont été démolies et remplacées en 2005.
La Haute-Corse est le seul autre territoire français confronté à un problème d'amiante à l'état naturel dans l'environnement.
Etudes géologiques, cartographie des secteurs prioritaires, notamment dans la chaîne de montagnes centrale, études épidémiologiques et prélèvements d'air sont les principales actions en cours en Nouvelle-Calédonie.
"On sait que le risque zéro sera difficile à atteindre vu l'histoire géologique du pays", a cependant précisé à l'AFP Caroline Fuentes, responsable santé-environnement à la Direction des affaires sanitaires et sociales: "Faire prendre conscience aux habitants des tribus de la chaîne du risque qu'ils encourent, alors qu'ils sont installés là depuis des générations, sera un enjeu majeur de notre travail".
Selon une étude de l'Institut Pasteur citée en 2004, 68 personnes seraient mortes d'un cancer de la plèvre provoqué par l'amiante naturel dans l'archipel entre 1984 et 2002. Selon les dernières statistiques, l'amiante ferait 5 morts par an en Nouvelle-Calédonie.
Pour certains cependant, le véritable coupable serait le nickel: "On s'est polarisé sur la trémolite pour ne pas nuire à l'industrie du nickel", affirme André Fabre, minéralogiste à la retraite et président de la section néo-calédonienne de l'Adeva, l'Association de défense des victimes de l'amiante.
Géologiquement, le nickel est indissociable de l'amiante, mais cette industrie, pilier de l'économie locale, tente de "faire régner l'omerta", accuse M. Fabre.
L'amiante est présent au pied des massifs de nickel, exploités à ciel ouvert, sous une forme moins dangereuse que la trémolite. Aujourd'hui, les pistes des mines sont arrosées ou recouvertes, et beaucoup de camions sont fermés et climatisés pour éviter les inhalations, mais dans les années 70, au moment du "boom" du nickel, aucune précaution n'était prise.
"Beaucoup de rouleurs (NDLR: les routiers chargés de transporter le nickel) de cette époque sont morts", affirme André Fabre.
Pour l'Adeva-NC, qui parle de 30 morts par an dus à l'amiante, le problème est surtout qu'aucun Calédonien ne peut être indemnisé, le territoire ne bénéficiant pas du Fiva (Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante) en raison de son statut spécifique d'autonomie.