Partie
1
Henri Pezerat, Directeur de recherche honoraire au
CNRS, Toxicologue. Novembre 2005.
HIER : en
exploitation......................mine
Canari à ciel
ouvert.............AUJOURD'HUI
: en inactivité
.............
Exposition et risques liés
à la pollution par
l'amiante dans l'environnement, en
Haute-Corse.
Prévention-Réparation
L'existence d'un risque
lié à des affleurements d'amiante dans les
sols est connue depuis une étude finlandaise parue en
1960, étude qui fut suivie d'une étude bulgare
reliant des pathologies de la plèvre à la
nature minéralogique des sols, et enfin d'un ensemble
d'études en Tchécoslovaquie, Autriche,
Turquie, Grèce, Chypre et Russie.
Pour la Corse, la prise de
conscience du problème date de la fin des
années 1970, à l'occasion d'une étude
menée par une équipe d'un service de
pneumologie dirigée par C. Boutin à Marseille.
Les chercheurs s'intéressaient alors à
évaluer la prévalence des plaques
pleurales(*) chez les mineurs
de la mine d'amiante de Canari, en Haute-Corse. Dans ce
cadre ils choisirent une population témoin, en
principe indemne de toute atteinte des plèvres par
l'amiante, dans des villages de la région, mais
constatèrent alors que leurs témoins avaient
un taux anormalement élevé de plaques
pleurales (1,2).
(*) Les
plaques et épaississements pleuraux,
détectés en radiographie, sont
provoqués par une réaction des tissus
à une agression, ici par une réaction
à l'amiante. La pathologie n'est pas
cancéreuse et, dans le meilleur des cas, n'est que
peu invalidante. Au delà d'une certaine
importance, les plaques peuvent entraîner des
douleurs et des atteintes à la fonction
respiratoire. Les atteintes sont
irréversibles.
Suite à ces
observations le LEPI (**)
entreprit des mesures d'amiante dans l'air, en 1982, dans
huit villages, quatre au Nord-Est de l'île (Rutali,
Murato, Campile, Moïta), dans la région
où affleurent les roches contenant de l'amiante, et
quatre au Nord-Ouest, zone sans affleurement d'amiante. Ils
firent également des prélèvements d'air
dans un bâtiment de l'ex-mine de Canari et dans des
villages proches, ainsi que des prélèvements
d'eau (3). La conclusion était que la pollution par
l'amiante à l'Ouest était quasi
négligeable à faible, mais qu'elle
était bien réelle dans les villages du
Nord-Est, bien que variable en fonction des lieux et
circonstances (pluie, vent, chantier, etc.
). Dans
certains cas elle apparaissait plus importante en
intérieur d'immeuble qu'à l'extérieur.
Deux variétés d'amiante étaient
trouvées (trémolite et chrysolite). Dans les
villages au voisinage de l'ancienne mine, la pollution
était du même ordre (mais plus importante
à Albo) que dans la zone Nord-Est. Sur le site de la
mine la pollution était considérable. Quant
à l'eau elle n'était polluée que dans
les villages proches de Canari. L'ensemble des
résultats expliquait l'incidence élevée
des plaques pleurales dans la Corse du Nord-Est.
(**) Le
laboratoire d'étude des particules inhalées
(LEPI), à Paris, est un laboratoire de
métrologie, c'est-à-dire d'identification
et de mesure des concentrations de particules dans l'air,
l'eau ou les pièces
biologiques.
La publication de ces
résultats dans des revues scientifiques n'eut lieu
qu'en 1987 et 1988 (4,5), en appui d'une étude de
l'équipe de Boutin (Marseille) sur la
prévalence des plaques pleurales, à partir des
données fournies par la lecture de 1721
clichés radiographiques de personnes ayant
été hospitalisées à Tattone
pendant la précédente décennie. 56
sujets étaient porteurs de plaques pleurales, dont 53
nés en Corse du Nord-Est (3,7% contre 1,1% en Corse
du Nord-Ouest). 26% des cas étaient des femmes. Les
localisations des lieux de naissance étaient
reportées sur une carte.
En 1989, 1991 et 1993
(6,7,8) les mêmes équipes publient de nouveaux
résultats sur les plaques pleurales à partir
de clichés radiographiques obtenus dans certains
villages. A Murato par exemple 83 personnes de plus de 50
ans sans exposition professionnelle ont été
examinées. 41% d'entre elles, et plus de 60% chez les
habitants de plus de 70 ans, présentent des plaques
pleurales !
Enfin, à partir de
1989 (6), puis de 1991 (7) et 1993 (9), l'excès de
mésothéliomes(*)d'origine
environnementale devient évident pour la Haute-Corse,
comme cela avait déjà été
publié en 1980 et 1987 pour des populations
résidant en Grèce, à Chypre et en
Turquie. C'est tout d'abord 5 cas, élargis à
8, puis à 14, qui sont publiés au fur et
à mesure de l'exploration des archives du service de
pneumologie de l'hôpital de Marseille. Les 14 cas par
exemple ont été soignés dans ce service
de 1973 à 1991, 8 hommes et 6 femmes (moyenne
d'âge 70 ans), tous nés en Corse du Nord-Est et
sans exposition professionnelle contre 15 cas ayant
été exposés professionnellement et
repérés dans la même période.
L'analyse des fibres dans les poumons des victimes
découvre des millions de fibres de trémolite
(majoritaire) et de chrysotile (plus aisément
épuré) par gramme de poumon sec. Six sur
quatorze présentaient également des plaques
pleurales. Trois cas étaient originaires de Bastia,
quatre de Moïta. Une carte (9) donne la
répartition géographique des cas.
(*) Le
mésothéliome est un cancer de la
plèvre (enveloppe des poumons) ou plus rarement du
péritoine (enveloppe des intestins), survenant
suite à une exposition à l'amiante, 30
à 60 ans plus tôt. C'est un cancer difficile
à diagnostiquer et que l'on ne sait pas soigner,
sauf dans quelques cas particuliers. Le temps de survie,
en général, va de quelques semaines
à un ou deux
ans.
Les auteurs évaluent
(9) l'incidence des mésothéliomes
environnementaux dans cette région à 100 cas
par an, pour un million d'habitants, contre 1 cas par
million dans une population sans exposition
spécifique à l'amiante. Encore faut-il noter
:
- que les chiffres fournis sont donnés
par défaut car dans la période
considérée, il est certain qu'il y a eu des
cas de décès rapides par
mésothéliome chez des personnes
âgées, non diagnostiquées et non
soignées dans le service de Marseille.
- que les excès de mésothéliome
sont toujours accompagnés d'un excès de
cancers broncho-pulmonaires, excès plus difficile
à évaluer mais toujours supérieur au
nombre de mésothéliome.
* * *
A partir donc de 1991-1993
il apparaissait clairement qu'il y avait, en Corse du
Nord-Est, où vivent environ 15.000 personnes, sans
compter Bastia et sa communauté
d'agglomérations, un problème
spécifique de santé publique relativement
grave, qui impliquait la mise en place d'une politique de
prévention. Certes il y a eu depuis, des
réunions et des rapports divers, mais au final et
nous y reviendrons, l'impression générale est
que c'est l'inertie des pouvoirs publics qui l'a
emporté sur toutes les recommandations, malgré
quelques initiatives positives. Parmi les textes et
interventions méritent d'être
notées:
o La diffusion dès fin 1998 par
l'inspection du travail d'une " Méthodologie
pour la protection des travailleurs sur les chantiers de
bâtiments et de travaux publics en terrains
amiantifères ". Ce texte développe en
particulier tout ce qui concerne la responsabilité
juridique des maîtres d'ouvrage et chefs
d'entreprises, rappelle que les déblais de
chantier contenant de l'amiante doivent être
considérés comme des " déchets
dangereux et donc enfouis " dans une ou des
décharges réglementées et
contrôlées par un service public, et
souligne la nécessité de protections
spécifiques pour le travail et l'environnement.
o La diffusion en octobre 2000 d'un article de la
revue " Chantiers BTP " intitulé de
façon trop optimiste par l'OPPBTB : " En Corse,
l'évaluation des risques avance ", article
destiné aux professionnels des travaux de
terrassement en terrains amiantifères. L'auteur
reconnaît que " l'évaluation des risques
au poste de travail est à l'état de
balbutiement ". Plusieurs conseils judicieux sont
fournis mais les recommandations sur les déblais
ne sont pas à la hauteur du problème.
o Les interventions auprès du Préfet les
10 mars 2004 et 15 février 2005, et les
réunions publiques organisées par les
représentants des associations de victimes de
l'amiante (ARDEVA Sud-Est et ANDEVA), portant sur la
nécessité de développer
l'information et proposant un ensemble des mesures de
prévention et de contrôle.
o L'édition par la DDASS en 2005 en direction
des responsables des collectivités territoriales
d'une plaquette d'information sur " l'amiante
environnemental en Haute-Corse ". Sur les 130
communes concernées, une cinquantaine ont des
zones habitées à proximité
immédiate des affleurements d'amiante. La
plaquette résume les études
réalisées, le niveau d'exposition de la
population tel qu'il est apprécié par la
DDASS, et enfin les actions menées dans la
région concernées, données pour la
plupart extraites du rapport d'un groupe de
travail(*),
présenté aux autorités
régionales sous la présidence du
Préfet, le 19 février 2004. A noter que la
plaquette prétend que le droit à construire
ne peut être restreint, ce qui est une erreur
manifeste.
(*) Participaient en
particulier au groupe de travail, la DDASS, des
représentants du BRGM (géologie), du LEPI,
de l'InVS (Institut de veille sanitaire) et du
Laboratoire santé, travail, environnement de
Bordeaux.
Ce rapport du groupe de
travail étant ainsi devenu la référence
des pouvoirs publics, il devenait nécessaire d'en
discuter les objectifs, la stratégie utilisée
pour le recueil des expositions à l'amiante, et les
évaluations du risque déduites de ces
expositions. Quant aux mesures de prévention
urgentes, préconisées par le rapport, nous
noterons, 18 mois plus tard qu'elles n'ont pas reçu
le moindre début d'exécution, du moins pour la
plupart d'entre elles.
Des objectifs insuffisants et non
adaptés au problème :
Le 19 février 2004,
le groupe de travail intitulé " Comité de
pilotage de l'étude des effets de l'amiante
environnemental en Corse " a donc présenté
son rapport devant le Préfet et les
représentants de tous les pouvoirs publics
concernés par le problème.
Contrairement à ce
que laisse croire le titre du Comité de pilotage
l'objet de l'étude n'est pas de repérer
concrètement les effets de l'exposition à
l'amiante, mais seulement d'apprécier l'ampleur des
expositions, d'où seront déduits -par
extrapolation et appui sur des modèles- les
excès possibles de cancers dans trois
agglomérations.
Au départ, en
1999-2000, il avait été prévu " une
étude de prévalence (nombre de cas à un
instant donné) des anomalies radiologiques dans la
population générale ", choix
contesté nous dit-on par les médecins de
santé publique ( !!) donc abandonné en
septembre 2000 au profit d'une nième campagne de
mesure de l'amiante dans l'air, la première ayant eu
lieu au début des années 1980.
En fait l'abandon de
l'étude de prévalence était
inévitable compte-tenu du manque de moyens et de
motivations des DDASS en général. Celles-ci
sont pour l'instant bien incapables de faire face aux
tâches qu'impliquerait la mise en uvre d'une
véritable politique de santé publique. On s'en
rend compte par exemple dans les bâtiments lors du
suivi des opérations de diagnostic amiante et plomb
dans les peintures.
Mais en admettant que la
lourdeur d'une enquête de prévalence en
population générale soit hors des moyens du
groupe de travail, et de plus pose problème en terme
d'intérêt épidémiologique,
pourquoi réduire l'étude des effets de
l'amiante environnemental aux seules études
épidémiologiques, ou à partir de
quelques données d'exposition à l'application
de modèles fondés sur des relations
dose-effet. L'étude des effets de l'amiante implique
divers autres volets d'intervention en santé publique
qui ne relèvent pas d'études
épidémiologiques.
L'épidémiologie n'est que l'un des outils
d'une politique de santé publique, et -dans le cas
des 130 communes du Nord-Est de la Corse- il aurait
été possible et nécessaire de
prévoir au minimum :
- Une demande de signalement par les
médecins de la zone géographique
concernée, de tous les cas de fibrose pleurale et
pulmonaire, de cancer broncho-pulmonaire et de
mésothéliome, avec un recul de 5 à
10 ans (à discuter).
- Une information, foyer par foyer, relayée par
les médias précisant l'existence du risque,
les maladies concernées et leur temps de latence
avec demande de signalement de cas ayant
été déjà
repérés dans la famille. Dans le même
courrier devrait être proposé à tous
les habitants de plus de 45 ans, l'accès gratuit
à une radiographie du thorax chez le radiologue de
leur choix. Enfin une information précise devrait
être fournie sur les possibilités
d'accès à une réparation des
préjudices d'une part par le
FIVA(*), d'autre part par la
voie d'une déclaration en maladie professionnelle
auprès de la CPAM pour les salariés ayant
été exposés dans le cadre de leur
travail, en particulier dans les secteurs du
bâtiment, des travaux publics et des travaux
agricoles.
(*) FIVA : fond
d'indemnisation des victimes de l'amiante. Accepte tous
les dossiers de plaques pleurales et
mésothéliomes liés à une
exposition environnementale sans enquête
approfondie sur l'exposition. Peut également
indemniser asbestose et cancer bronchique après
enquête.
- Une invitation à tous les cabinets ou
services de radiologie de la région
d'exécuter des radios selon un protocole
donné, sur présentation du formulaire
envoyé par la DDASS et rempli par l'habitant. La
charge financière serait supportée par la
DDASS qui recevrait radio et compte-tenu
expédié par les radiologues (avec un double
pour le patient) ; charge à la DDASS d'organiser
ensuite une double lecture et d'en tirer le bilan un an
ou 18 mois après le début de
l'opération, avec deux pneumologues
compétents.
- Une obligation pour les entreprises et les
médecins du travail de respecter les instructions
relatives au " suivi médical amiante "
(arrêtés du 28-02-95, du 06-12-96, du
13-12-96 et du 09-07-98) pour tous les travailleurs
exerçant leur activité sur des chantiers du
BTP en Corse du Nord-Est.
- Une intervention publique et coordonnée de
toutes les autorités départementales pour
exiger de la part des autorités gouvernementales
des modifications relatives à la prévention
contre l'amiante environnemental dans les textes
réglementaires relatifs à l'urbanisme, dans
le texte du décret 96-98 du 7 février 1996,
relatif à la protection des travailleurs contre
les risques liés à l'amiante, et dans le
texte du décret 96-97 du 7 février 1996
relatif à la protection de la population contre
les risques sanitaires liés à l'exposition
à l'amiante dans les immeubles bâtis.
Une telle opération
globale permettrait, mais il n'est pas trop tard pour en
demander la mise en uvre, non seulement une meilleure
visibilité du problème mais aussi une aide aux
victimes alors que les pouvoirs publics n'ont rien entrepris
en matière de réparation, et rien de
conséquent en matière de prévention.
Cette opération devrait être couplée
avec un ensemble cohérent de mesures de
prévention, qui de surcroît devrait s'appuyer
sur une carte des affleurements d'amiante beaucoup plus
précise que la carte actuelle (voir seconde partie du
présent mémoire ).
N'ayant pas choisi cette
voie -qui aurait eu sans doute l'inconvénient aux
yeux des pouvoirs publics de trop impliquer la population-
le groupe de travail s'est contenté d'un programme de
" mesures de la teneur de l'air en fibres d'amiante
", comme " la seule alternative possible " ( !)
à l'étude de prévalence. Mais
compte-tenu de la technique choisie (microscopie
électronique à transmission ou MET) les
mesures n'ont pas eu lieu sur 130 communes à risque
mais seulement sur six d'entre elles, dont Bastia, à
l'extérieur et à l'intérieur de
certains bâtiments, en multipliant les mesures
très onéreuses, pour tenter d'évaluer
une moyenne et un maximum du niveau d'exposition, en
distinguant les deux variétés d'amiante
(trémolite et chrysotile) et, en mesurant
séparément les fibres de longueur
supérieure et inférieure à 5
µm
Dans une seconde partie, à partir d'une
certaine appréciation des valeurs moyennes de
concentration de fibres de plus de 5µm dans l'air, les
statisticiens, sur la base de leurs modèles, ont
avancé comme probable des excès de
mortalité par cancer du poumon et
mésothéliome dans trois agglomérations,
deux villages (Bustanico et Murato) où ils ont conclu
à la nécessité de mesures de
prévention, et Bastia où cela ne leur est pas
apparu nécessaire ! Alors qu'ils ont
négligé, d'une part les fibres de longueur
inférieure à 5µm dont la concentration,
par exemple à Bastia, peut-être très
importante et nullement négligeable en matière
d'effets toxiques, d'autre part tous les pics d'exposition
liés aux circonstances naturelles (vent, incendie
détruisant le couvert végétal, etc.) ou
aux activités humaines (passages de véhicules
sur piste non goudronnée, terrassement, jeux
d'enfants, etc.)
Au final, de recul en recul sur les objectifs,
l'étude ne débouche que sur des conclusions
qui soit sont contestables, soit découlaient
déjà -comme à Murato- des études
antérieures à 1993.
Une stratégie inadaptée
pour rendre compte des empoussièrement en amiante
:
Les responsables de la
DDASS et du LEPI ont tout d'abord visité 10 communes
(sur 130), choisies en fonction de critères
géologiques et des résultats des
précédentes études. C'est ensuite la
DDASS qui a effectué les prélèvements
d'air dans six de ces communes, les résultats des
mesures -faites au LEPI- survenant en général
plusieurs semaines ou plusieurs mois après les
prélèvements d'air.
Si l'on voulait
réellement -à partir d'une telle approche des
mesures- connaître les pics d'exposition, ce que
prétend le rapport, il aurait fallu prélever
l'air à proximité des sources
d'émission à hauteur d'homme et d'enfant, et
dans les conditions (météorologiques,
activité humaine) où ces sources sont les plus
actives, en tenant compte de la nature géologique des
sols, de la variété d'amiante, de la
destruction du couvert végétal, des travaux,
des jeux, etc.. Or ce n'est pas ce qui a été
fait, les capteurs d'air étant quasi
systématiquement placés dans les conditions de
confort maximum pour les techniciens de la DDASS
chargés des prélèvements,
c'est-à-dire bien à l'abri, en hauteur sur les
toits et les terrasses, ou en intérieur, dans les
halls d'accueil, en général bien entretenus,
de la DDASS ou des mairies. De plus il aurait fallu
effectuer quelques prélèvements à
proximité immédiate et pendant des chantiers
du BTP.
Mais une telle cartographie
des expositions est une tâche impossible quand il y a
un grand nombre de sites à explorer dans des
conditions susceptibles de varier dans le temps, avec une
technique qui implique un à plusieurs jours pour
chaque prélèvement d'air, puis ensuite une
lecture en microscopie électronique à
transmission (MET), onéreuse et ne donnant de
résultat qu'après de longs délais.
D'où la nécessité de voir s'il est
possible de sacrifier la précision de cette technique
au profit d'une approche moins précise et moins
fiable, recourant à un appareil à lecture
directe donnant beaucoup plus rapidement un
résultat(*).
(*)
Deux appareils ont été testés par
l'INRS (10). Le plus fiable (FM 7400) n'est plus
commercialisé, et les avis divergent sur la
capacité de l'autre (Fibrecheck FC-2) à
fournir des résultats valables dans le domaine de
concentration de 3 à 200 fibres/l, le plus
susceptible d'être rencontré en Corse du
N-E. D'où la nécessité d'une
étude préalable de faisabilité avec
contrôle en microscopie électronique.
Avec une telle
technique il serait peut-être possible d'envisager une
première évaluation des dangers sur les 130
communes en diverses circonstances, compte-tenu qu'il
faudrait ensuite effectuer quelques mesures au MET au moins
en une vingtaine de lieux et circonstances (en
extérieur et intérieur),
considérés comme les plus
représentatifs de la situation dans la zone
géographique considérée.
Au total 214
échantillons ont été analysés
entre les années 2000 et 2002, dont seulement six
dans la série Bastia III, la seule où les
capteurs (malheureusement au 4ème étage)
n'étaient pas trop éloignés de travaux
de terrassement, en fin de chantier. Ces résultats
sur Bastia III, ignorés ensuite au moment du calcul
des risques, révèlent des variations
très importantes en fonction du temps,
puisqu'à 2 jours d'intervalle en août 2002, la
concentration en fibres de longueur inférieure
à 5µm varie d'un facteur 100 (de 7,1 à
648,8 fibres par litre), celle en fibres de longueur
supérieure à 5µm variant d'un facteur 20
(de 0,97 à 18,64 fibres par litre).
Il ne sert donc à
rien de rechercher systématiquement la
précision des mesures au MET quand on veut
apprécier semi-quantitativement l'importance de la
pollution en fonction du lieu et des circonstances dans le
cadre d'une enquête sur les expositions
environnementales, enquête différente de celle
portant par exemple sur la pollution d'un atelier, où
se déroule jour après jour des tâches
identiques.
Par rapport aux
précédentes enquêtes
évoquées au début du présent
mémoire, l'étude DDASS-LEPI de 2000 à
2002, dont les résultats seront probablement
publiés dans l'avenir, offre cependant
l'intérêt, d'une part de révéler
les variations importantes de concentration d'amiante dans
l'air, en fonction du lieu exact, de la période et
des circonstances, par exemple à Bastia et à
Bustanico, d'autre part d'apporter les premiers
résultats connus pour une partie de Bastia, dans la
ville où demeure plus de la moitié de la
population de la zone géographique concernée,
et enfin d'apporter des compléments d'information sur
les répartitions chrysotile/trémolite, fibres
" longues "/fibres " courtes " dans les
échantillons recueillis.
Mais l'ensemble des
prélèvements en extérieur,
limité en fait à onze lieux sur six communes
(Bastia, Corté, Murato, Bustanico, Moïta,
Rutali) ne permet pas d'apprécier correctement une
moyenne de pollution, commune par commune, ou pour Bastia
quartier par quartier et ce en raison d'une stratégie
de mesure mal adaptée au problème
posé(*).
(*) Dans
l'agglomération de Bastia, sur un chantier en
phase de terrassement, les mesures, en microscopie
optique, étaient l'an dernier de l'ordre de 0,2
fibres/cm3 et même 0,6 fibres/cm3. Que fait la DRT
au Ministère du travail sachant que la valeur
limite en milieu de travail est de 0,1 fibres/cm3 d'air
?
Les
mesures en intérieur pour leur part ont
été effectuées sans recherche d'une
quelconque représentativité par rapport aux
intérieurs des logements et locaux les plus
fréquentés par les habitants de cinq des six
communes. Il est impossible à priori de dire si les
valeurs moyennes utilisées pour trois communes
(Bastia, Murato, Bustanico) sont surestimées ou
sous-estimées. Il est cependant inquiétant et
inadmissible que des valeurs à 19 fibres par litre
(en fibres de plus de 5µm) soient
tolérées à Bustanico et à
Murato, et dans ce dernier village dans l'école
maternelle, sans même que l'on sache si les
prélèvements ont bien été
effectués pendant les heures de présence des
enfants et à leur hauteur ! Comme s'il n'existait pas
en France une législation limitant
l'empoussièrement intérieur en amiante
à 5 fibres/l ! Il est par ailleurs pour le moins
surprenant que dans ces deux villages les concentrations en
fibres dans l'air soient nettement supérieures en
intérieur qu'en extérieur, ce qui contribue
à mettre en cause les mesures en extérieur
avec des prélèvements à hauteur des
toits, d'autant qu'à Murato et Moïta par exemple
les valeurs en extérieur obtenues lors de cette
campagne de mesures sont nettement inférieures aux
valeurs relevées dans les années 80, sans
explications convaincantes sur l'origine des
écarts.
En conclusion les mesures
d'empoussièrement en amiante figurant dans
l'étude présentée en préfecture
en février 2004 n'apparaissent pas répondre
aux critères attendus pour une étude de
santé publique en population générale.
Tout au plus ces mesures peuvent-elles concerner une
population (à supposer qu'elle existe) ayant un
travail d'hôtesse d'accueil dans une administration et
passant le reste de sa vie sur des toits ou des terrasses,
loin de toute source de poussière !
Une évaluation pour le moins
contestable du risque sanitaire lié à la
pollution environnementale par l'amiante
:
Se fondant sur le mode de calcul de risque de
cancer du poumon et de mésothéliome (cancer de
la plèvre) présenté dans le rapport
Inserm sur l'amiante en 1996, le groupe de travail a
effectué un calcul de risque pour ces deux types de
cancer à Bastia, Bustanico et Murato. Ce faisant on
doit tout d'abord remarquer que disparaît toute
évocation du risque de fibrose pleuro-pulmonaire due
à une contamination environnementale, ce qui n'est
pas acceptable, même si les risques de
décès par asbestose-aux concentrations d'air
rencontrées- sont très peu probables si ne
sont pris en compte que les décès
exclusivement dus aux fibroses.
Pour effectuer ces calculs,
le groupe n'a retenu dans chacune des trois
agglomérations qu'une valeur de concentration
d'amiante dans l'air, en ignorant de surcroît la
pollution par des fibres plus courtes que 5 µm, ce qui
pose un double problème :
- A Bastia par exemple, à
proximité de travaux de terrassement, il y a 20
fois plus de fibres de moins de 5µm dans l'air
que de fibres de plus de 5µm.
- La valeur limite de 5µm pour les longueurs
de fibres n'est pas une valeur seuil en dessous de
laquelle il n'y a plus d'effets toxiques ; ces effets
-au niveau pleural- diminuant de façon continue
en fonction de la longueur des fibres.
Ceci étant il a
été retenu les valeurs de 1,34 - 4,98 et 2,65
fibres/l pour les concentrations d'amiante dans l'air
à Bastia, Bustanico et Murato, valeurs obtenues en
pondérant en fonction du temps (40 heures en
intérieur pour 128 heures en extérieur) les
valeurs moyennes relevées en extérieur au
4ème étage à Bastia, sur les toits et
terrasses dans les deux autres communes, et en
intérieur dans les halls d'accueil des mairies et de
la DDASS à Bastia. Ont ainsi disparues les quelques
valeurs de la série Bastia III, toujours recueillies
au 4ème étage mais à proximité
d'un chantier. En fait tout lieu et toute circonstance (par
exemple le passage d'une voiture sur une piste non
goudronnée) pouvant entraîner des pics
d'exposition, ont disparu du modèle. Ne sont retenues
que les valeurs moyennes de concentration en des lieux et
circonstances relativement protégés de tout
pic de pollution. A Bustanico par exemple le rapport
précise que le lieu de prélèvement
retenu " a été choisi à une hauteur
évitant l'influence du sol " !
Dans ces conditions il
apparaît inutile de discuter le détail du
calcul de risque dans les trois agglomérations
retenues. Les conclusions des auteurs est qu'une "
gestion du risque " doit être mise en place
à Bustanico et Murato, en raison de " sa faible
acceptabilité ", car " en ce qui concerne le
risque relatif de mésothéliome, l'exposition
telle qu'elle a pu être appréciée,
serait susceptible d'être à l'origine d'une
multiplication du nombre de décès imputables
à cette maladie par 2 à 2,9 chez les hommes et
par 2,7 à 6,4 chez les femmes ". Pour Bastia par
contre, " en ce qui concerne le risque relatif de
mésothéliome, l'exposition (
) serait
susceptible d'être à l'origine d'une
multiplication du nombre de décès imputables
à cette maladie par 1,2 chez les hommes et par 1,48
chez les femmes, valeurs peu probantes. On peut conclure par
une meilleure acceptabilité du risque à Bastia
que pour les deux autres communes ".On ne peut que
s'interroger sur l'étrange mansuétude du
rapport à l'égard de Bastia, peut-être
en rapport avec les appétits des promoteurs
immobiliers locaux.
Ainsi apparaît-il que le
groupe de travail, sous la conduite de la préfecture,
s'arroge -seul, dans un document non rendu public- le droit
de décider si un risque est acceptable ou non. Au
mépris du droit des populations concernées
à être consultées et à
décider si elles acceptent ou non de subir le risque
en cause. Conduite qui n'est plus acceptable alors que la
France a signé, entre autres textes, la convention
d'Aarhus (11) sur le droit des populations à
être consultées sur les risques
environnementaux et sur leur gestion.
D'autant qu'à
Bastia, la série des mesures appelée Bastia
III donne -en raison de la fin d'un chantier de terrassement
dans le voisinage- des moyennes de concentration en fibres
plus longues et plus courtes que 5µm, respectivement de
7,2 fibres/l et de 151,4 fibres/l, valeurs largement
suffisantes pour générer avec une
probabilité non nulle des mésothéliomes
dans la population concernée, même si les temps
d'exposition à ces concentrations sont beaucoup plus
courts que ceux utilisés dans la modélisation
des risques par le groupe de travail.
Pour Bastia et les proches
agglomérations la logique aurait impliqué de
prendre en considération qu'il s'agit de zones
où il y a en permanence, toute l'année, des
travaux d'excavation et de terrassement, à la
différence de Bustanico et Murato où il n'y a
pas eu, récemment, de travaux importants. De fait le
seul prélèvement en fin de travaux (Bastia
III) ne relève pas d'une situation exceptionnelle,
mais -tout au contraire- d'une situation
répétitive et relativement continue, soit sur
le quartier du Fangu, soit par exemple le long de la
vallée à Ville di Pietrabugno.
Indépendamment des
trois communes où il y a eu un calcul de risque,
trois autres agglomérations (Moïta, Rutali,
Corte) ont été concernées par des
mesures d'empoussièrement, avec par exemple à
Corte, sur un toit, des pics -toutes longueurs de fibres de
trémolite- allant jusqu'à 24 et 26 fibres/l
avec une moyenne à 11 fibres/l. Mais ces
résultats n'ont pas donné lieu à calcul
et conclusion !Etrange ! A Moïta les valeurs obtenues
sont faibles mais en 1988 (5) elles étaient de
l'ordre de 18,5 fibres/l ! Et cependant aucune
recommandation n'est donnée pour ces trois
communes.
Au final
l'évaluation des risques par le groupe de travail
n'est pas acceptable pour au moins quatre raisons :
- Elle ignore le risque le plus répandu,
celui de fibrose pleurale qui dans une proportion non
négligeable des cas a un retentissement sur la
fonction respiratoire, sans parler des pleurésies
asbestosiques et des asbestoses (fibrose pulmonaire).
- Elle considère comme négligeable le
risque de cancer du poumon dans les trois communes
étudiées, alors que les pics d'exposition
ne sont pas pris en compte, que la nature exacte de la
courbe dose-réponse n'est pas connue pour les
expositions faibles, pas plus que la contribution des
fibres plus courtes que 5µm dans la
cancérogenèse au niveau du parenchyme
pulmonaire.
- Pour les mêmes raisons, elle minore le risque
de mésothéliome, d'autant que -depuis 1960-
toutes les études montrent qu'il apparaît
des mésothéliomes pour des expositions
faibles, professionnelles ou environnementales, ce qui
évoque une courbe dose-réponse de type
supra linéaire.
- Elle ignore les données de Rey et al. (9)
révélant pour la région un risque de
décès par mésothéliome de 100
cas pour un million, soit 100 fois plus que l'incidence
attendue sans exposition spécifique. Elle ne prend
pas en compte ces mêmes données quand elles
montrent que 50% des mésothéliomes de la
région (qui inclue pourtant la mine de Canari)
sont d'origine environnementale, ce qui est
considérable et exceptionnel.
Bilan et conclusions
générales
Indépendamment des
réserves et critiques ci-dessus le rapport du groupe
de travail, avec juste raison, met l'accent sur la
nécessité :
- d'une étude géologique et
minéralogique fine des zones d'affleurement afin
d'informer complètement les populations
concernées sur les risques liés à
ces zones.
- de mesures immédiates de gestion du risque
à Bustanico et Murato par recouvrement des " zones
actives ".
- de travaux d'assainissement et de protection dans
les bâtiments recevant du public, leur permettant
de respecter la limite fixée
réglementairement à 5 fibres/l. A ceci il
nous faut ajouter que la recommandation vaut pour tous
les bâtiments, et non seulement pour ceux recevant
du public.
- de mesures de prévention efficaces pour les "
professionnels du bâtiment et des travaux publics
", auxquels nous ajouterons ceux du secteur agricole,
ainsi que la nécessité d'introduire dans
les textes réglementaires la possibilité
d'arrêt de chantier ou de travaux.
- d'une politique rigoureuse de gestion des
déchets d'amiante avec ouverture de
déchetteries spécifiques.
- d'additifs explicites sur la prévention
contre l'amiante environnemental dans les textes
réglementaires sur l'urbanisme.
Pour juger de l'accueil
qu'ont rencontré ces conclusions au niveau
préfectoral, on peut se référer
à un courrier du Préfet à l'Andeva en
date du 17 juin 2004. Plusieurs des mesures ci-dessus y sont
évoquées -mais pas toutes- de façon
allusive, sans engagement ferme. A l'exception d'une mesure
concernant l'information, faisant état de la
plaquette citée ci-dessus, sans doute utile mais
insuffisante pour susciter une large prise de conscience et
un débat public, d'autant qu'elle énonce plus
de vux que de mesures concrètes, et qu'elle est
muette sur les droits à réparation des
victimes des pathologies asbestosiques (plaques et
épaississement pleuraux, asbestose, pleurésies
asbestosiques, cancers du poumon,
mésothéliomes).
Or une véritable
politique de santé publique apparaît d'autant
plus indispensable que de nouvelles données
internationales viennent confirmer l'importance du
problème, avec la publication prochaine d'une
étude de Marc Shenker dont les résultats sont
disponibles sur Internet (12). L'étude porte sur 2908
cas de mésothéliomes déclarés en
Californie et révèle que la probabilité
d'être atteint d'un mésothéliome est
directement proportionnelle à la distance entre le
lieu de résidence de la victime et la plus proche
source d'amiante naturelle, le risque ne diminuant que de
6,3% tous les 10 Km.
En France et TOM le problème ne se pose pas
seulement en Corse, mais également en
Nouvelle-Calédonie où des excès de
mésothéliomes environnementaux ont
été mis en évidence et ne sont pas
seulement le résultat de la contamination de
certaines cases canaques par un enduit à base de
trémolite (roche affleurante) utilisé en
peinture intérieure et extérieure.
Mais le présent mémoire n'est
consacré qu'à la Corse où il n'est pas
utile de répéter une nième
enquête épidémiologique. Il est
nécessaire, en premier lieu, d'informer sur le risque
les habitants des 130 communes concernées (y compris
Bastia), en précisant la nature des maladies en
cause, les mesures de prévention à respecter,
et les recours possibles pour obtenir réparation au
plan santé des préjudices subis (FIVA pour des
non salariés et pour toutes les expositions, hors
celles des salariés en milieu de travail ; maladie
professionnelle puis faute inexcusable de l'employeur ou
FIVA pour les expositions de salariés pendant les
heures de travail). Puis de mettre sur pied un protocole de
signalement par les médecins de ville et les
médecins du travail des maladies liées
à une exposition à l'amiante, ainsi qu'une
procédure de suivi médical dans les
agglomérations les plus concernées, en donnant
accès gratuit pour les personnes de plus de 45 ans,
à une radiographie thoracique suivi d'un scanner en
cas de doute. Mesures complétées par un
repérage systématique des circonstances et
lieux à l'origine de pics d'exposition, en utilisant
une méthode permettant l'obtention des
résultats d'exposition en temps réel. Tout
repérage d'une zone susceptible d'être " active
" devant donner lieu à des mesures de recouvrement et
de signalisation. Enfin de renforcer considérablement
les mesures de prévention des milieux professionnels
concernés, y compris dans l'agriculture. Ceci sans
oublier le cas particulier de la mine de Canari et de ses
environs, et la nécessité de créer des
décharges spécialisées et
protégées pour l'enfouissement des
déchets et déblais amiantifères.
Mais aucun programme ne prendra corps si ne
se structure pas une association locale, combative et bien
implantée dans la population qui oblige l'Etat
à jouer son rôle de garant de la Santé
publique.
Références
(1) Viallat J.R., Boutin
C. Radiographic changes in chrysotile mine and mill
ex-workers in Corsica. Lung (1980), 157, 155-163.
(2) Viallat J.R., Boutin
C., Pietri J.F., Fondarai J. Late progression of
radiographic changes in Canari chrysotile mine and mill
ex-workers. Arch Env. Health (1983), 38, 54-58.
(3) Billon-Galland M.A.,
Dufour G. et Gaudichet A. Etude de la pathologie
asbestosique liée à l'environnement en Corse.
Contrat Inserm (1982-1983).
(4) Steinbauer J., Boutin
C. et al. Plaques pleurales et environnement asbestosique en
Corse du Nord. Rev. Mal. Resp. (1987), 4, 23-27.
(5) Billon-Galland M.A.,
et al. Environmental airborne asbestos pollution and pleural
plaques in Corsica. Ann. Occup. Hyg (1988), 32, 497-504
Suppl.
(6) Boutin C., Viallat
J.R. et al. Bilateral pleural plaques in Corsica : A marker
of
non-occupational asbestos
exposure. In " Non-occupational exposure to mineral fibres
". IARC Scient. Publ. n° 90, (1989),
406-410.
(7) Viallat J.R., Boutin
C. et al. Pleural effects of environmental asbestos
pollution in Corsica.
Ann.
N.Y. Acad. of
Sciences (1991) vol. 643, 438-443.
(8) Rey F., Boutin C. et
al. Environmental pleural plaques in an asbestos exposed
population of northeast Corsica. Eur. Respir. J. (1993), 6,
978-982.
(9) Rey F., Viallat J.R.
et al. Les mésothéliomes environnementaux en
Corse du Nord-Est. Rev. Mal. Respir. (1993), 10,
339-345.
(10) Kauffer E. et al.
Comparaison de deux appareils à lecture directe par
rapport à la microscopie optique à contraste
de phase pour le mesurage de la concentration en nombre de
fibres dans l'air. INRS, CND (2004), 197, 39-52.
(11) Convention d'Aarhus
(taper ces termes sur Google, Internet). Convention sur
l'accès à l'information, la participation du
public au processus décisionnel et l'accès
à la justice en matière d'environnement.
Approuvée en France par la loi 2002-285 du 28
février 2002.
(12)
http://www.eurekalert.org/pub_releases/2005-07/uocd-noa071205.php
Partie 2
Henri Pezerat, Directeur de recherche honoraire au CNRS,
Toxicologue. Novembre 2005.
L'amiante environnemental en
Corse
Quelques enseignements des mesures prises aux USA dans
deux régions
(Libby et El
Dorado)
Le réseau Ban
Asbestos du Québec, confronté aux montagnes de
déchets d'amiante issus de l'exploitation des mines,
nous a signalé qu'un problème identique aux
problèmes de Corse et de Nouvelle Calédonie
existait en Californie dans la région d'El Dorado.
Les mesures prises pour y faire face s'inspirent en
particulier d'une première alerte sur l'amiante dans
l'environnement d'une mine de vermiculite à Libby
dans le Montana.
De ces deux
épisodes(*) de lutte
contre la contamination par l'amiante environnemental, des
enseignements peuvent être tirés, utiles pour
affronter en France le même type de
problème.
(*) Sur Google
on peut consulter : " asbestos in Libby, Montana " et "
El Dorado, California, asbestos
".
Etudes, travaux et sanctions sur le site de Libby
(Montana) :
Libby compte 2500 à
3000 habitants dans une vallée encaissée
où vivent 7 à 8000 personnes. Il y
était exploité jusqu'en 1990 la plus grande
mine du monde de vermiculite. Le minéral était
extrait et chauffé brutalement à haute
température pour fabriquer de la vermiculite
exfoliée que tout un chacun connaît pour
l'avoir utilisé dans son jardin ou ses cultures en
pot.
Le problème c'est
qu'en 1982 une étude révélait que la
vermiculite brute de Libby contenait de 21 à 26 %
d'amiante, principalement de la trémolite et de
l'actinolite, deux amphiboles. C'est en 1978 que des
atteintes pleurales avaient été mises en
évidence dans un groupe de douze travailleurs
utilisant, en d'autres lieux, de la vermiculite provenant du
site de Libby, d'où ensuite dans les années
1980 des études sur les travailleurs de la mine et de
l'usine de Libby révélant un accroissement de
la mortalité par pneumoconiose (vraisemblablement
asbestose) et cancer du poumon.
Dans la même
période (années 1980), les études
entreprises firent état d'atteintes par des maladies
liées à l'amiante, non seulement chez des
travailleurs de l'entreprise, mais dans leur famille
(contamination dite " domestique "), et chez des
résidents de la ville et de ses environs ayant
utilisé la vermiculite dans l'isolation de leurs
greniers ou comme amendement de la terre de leur jardin, ou
encore tout simplement parce qu'ils respiraient un air
pollué, ce que révèlent à
l'époque diverses mesures de la concentration
d'amiante dans l'air en intérieur comme en
extérieur .
Ceci étant, comme
à l'habitude, aux études ne
succédèrent pas rapidement des mesures de
prévention. En 1994, quatre ans après la
fermeture de la mine, un citoyen alerte les autorités
sur les excès de pathologies dus à la
pollution par l'amiante. Il se heurte à un refus
d'intervention, en particulier de l'EPA (Agence de
protection de l'environnement). Ce n'est qu'en 1999 que
l'EPA interviendra, la presse ayant relayé des
observations sur les excès d'asbestose et de cancer.
11 à 23 % des habitations de Libby apparaîtront
alors comme polluées par l'amiante. On nous dira que
l'écart de 1982 à 1999 a été
bien long, mais en même temps remarquablement plus
court que ce que l'on observe en France.
En août 2001 une
étude révèle que 30 % des 5590 adultes
de la région de Libby ont des anomalies
pulmonaires(*). A la même
époque l'EPA commence son programme de
décontamination des maisons individuelles, pouvant
aller dans quelques cas extrêmes jusqu'à la
destruction et la reconstruction de la maison. Le site
devient prioritaire pour l'action des pouvoirs publics,
l'EPA déclarant publiquement que ce n'est pas aux
résidents d'assurer les frais de cette
opération qui inclue bien évidemment la
réfection complète de certaines routes,
l'ouverture de sites d'enfouissement des déchets,
etc..
(*)
Une autre étude, de 2002, recense sur 6668
résidents ou ex-résidents, 18 % de cas avec
anomalies pulmonaires ou pleurales. Chez les ex-
employés de la mine : 51 % ont des anomalies
pleurales et 3,8 % une
asbestose.
Bien évidemment des
questions relatives au financement se sont posées, et
le projet initial de traiter 250 maisons individuelles par
an a été revu à la baisse, mais
l'opération continue et se poursuivra sans doute
nettement au-delà de 2007.
Parallèlement
plusieurs procédures judiciaires ont
été engagées, l'une en 2003 a conduit
à condamner l'entreprise responsable à 54,5
millions de dollars pour le seul remboursement des frais
engagés par l'EPA ; l'autre en février 2005
est actuellement en cours. Il est réclamé 70
ans de prison pour le principal dirigeant de la compagnie,
55 ans pour deux de ses adjoints, et la modique somme de 280
millions de dollars à l'entreprise !
Enfin il faut noter
qu'à partir de 2001 l'EPA a déclenché
des inspections sur 173 sites industriels,
répertoriés comme gros utilisateurs de la
vermiculite de Libby et répartis sur tout le
territoire des Etats-Unis. 19 sites ont été
ainsi répertoriés et traités comme
contaminés par l'amiante. Deux rapports furent
également publiés par l'EPA mettant en garde
les utilisateurs de la vermiculite issue de cette
mine.
Les enseignements de la contamination par
l'amiante de la vermiculite de Libby :
Plusieurs enseignements
peuvent être tirés de cet épisode de
contamination d'un minerai par l'amiante. Comme c'est
toujours le cas, les autorités en santé
publique ne se mobilisent réellement qu'après
une médiatisation des risques, sauf qu'elles le font
plus rapidement qu'en France. Les exemples miniers à
prendre en compte en France sont au moins au nombre de trois
:
Premier exemple : celui de la mine de Canari en
Corse, mine de chrysotile exploitée de 1942
à 1965, avec une production de plus de 27.000 tonnes
en 1961(*). Les actionnaires
étaient nombreux mais de fait c'est le groupe Eternit
et plus précisément la famille Cuvelier qui
ont régné sur l'entreprise. Il a fallu
attendre 1992 pour que la mine et son environnement figurent
sur l'inventaire national des sites pollués, et 2002
pour que paraisse un appel d'offre pour la mise en
sécurité du site, opération qui devrait
réellement débuter l'an prochain sous la
conduite de l'ADEME avec un budget réduit du
ministère de l'environnement, les véritables
pollueurs après la fermeture de la mine ayant
cédé le terrain " avec ses vices et
défauts " à la commune de Canari bien
incapable de payer la dépollution du site.
(*) Voir
l'ouvrage de Guy Méria : L'aventure industrielle
de l'amiante en Corse. Edit. Alain Piazzola.
Question : les pollueurs étant connus,
qu'attendent les pouvoirs publics pour engager des
poursuites judiciaires contre Eternit et consorts, contre
la famille Cuvelier en priorité, ne serait-ce que
pour respecter le principe du pollueur-payeur. Ne pas
sanctionner les coupables alors que l'on sait le faire
aux USA, est une invitation à négliger
totalement les conséquences de la pollution de
l'environnement. En 1965, lors de la fermeture, tout
était connu sur les risques. C'est donc sciemment
qu'Eternit et ses alliés ont trompé,en
1974, une petite commune rurale sur ce que serait
l'avenir d'un tel site minier. Le rapport de la Mission
d'information du Sénat, paru au moment de la
rédaction du présent mémoire,
fournit nombre de données (pas toujours exactes)
et d'observations sur la mine de Canari. Il souligne
-position qui rejoint notre point de vue- que l'ADEME,
à l'égal de l'EPA aux Etats-Unis,
réclame une mise à contribution d'Eternit
pour mener à bien la réhabilitation du
site, proposition sur laquelle les sénateurs ne se
prononcent pas(**). Le
rapport souligne -sans prendre position- à la fois
les dangers de l'actuelle situation et le poids de
multiples intérêts économiques
à courte vue qui s'opposent à la mise en
uvre d'une véritable politique de
prévention.
(**) Bien que conforme
à l'arrêt de la Cour de Cassation du 16 mars
2005 qui considère que les clauses contractuelles
conclues entre le vendeur et l'acheteur d'un site
pollué ne peuvent exonérer le dernier
exploitant d'une installation classée de son
obligation légale de remise en état du site
(cf. lettre Lamy/environnement n° 267, 7 juillet
2005), cette mise en cause de la société
qui exploitait la mine (la SMA) se heurtera sans doute
à des obstacles juridiques si la dite
société a disparu.
A l'aspect réhabilitation du site, il faut bien
sûr ajouter prioritairement le suivi médical
post professionnel et environnemental pour les
ex-travailleurs de la mine et pour les habitants des
communes proches. Là encore un tel suivi devrait
être mis à la charge des anciens employeurs, au
prorata de leur participation dans le capital de
l'entreprise.
Second exemple minier : celui concernant tout ou
partie des mines de nickel en Nouvelle
Calédonie. Pour l'instant les autorités
publiques font la sourde oreille à toute demande
d'enquête, mais il faudra bien trouver par exemple
l'origine d'au minimum 20 cas de mésothéliome
de 1984 à 2002 dans la commune de Houaïla
où ont lieu les premiers chantiers d'extraction du
minerai de nickel. Il est insuffisant de réduire
l'affaire des excès de mésothéliome
dans l'île à l'utilisation pour le blanchiment
de certaines cases canaques, d'une poudre minérale
issue d'affleurements d'amiante trémolite dans
plusieurs parties de l'île.
Troisième exemple minier : celui de la mine
de tungstène
d'Anglade(*) à Salau
dans les Pyrénées, fermée dans les
années 1980 où la roche extraite était
riche en actinolite (une amphibole). Les mineurs ont
été dispersés, mais il reste des
montagnes de stériles, riches en amiante, dans une
région heureusement peu peuplée. La mine avait
été ouverte en 1970. Une enquête locale
et une recherche du devenir des mineurs devraient être
entreprises, là encore en mettant l'entreprises et
ses dirigeants à contribution.
(*) La seule
étude conséquente sur les risques et les
cas de fibrose pleuro-pulmonaire chez les mineurs a
été rédigée par le "
Collectif maladies et risques professionnels " de Jussieu
en 1986, puis envoyé -y compris au
Ministère du travail- par la " Boutique de
sciences de Jussieu ".
Au-delà
de la pollution de l'environnement par l'amiante
provenant des sites miniers, et indépendamment des
problèmes liés à " l'amiante en place
", il convient de faire un bilan des risques
environnementaux à proximité des sites
industriels ayant eu une importante utilisation d'amiante. A
ce sujet, suite à une demande d'étude par le
Ministère de l'emploi et de la solidarité, le
Bureau de recherches géologiques et minières
(BRGM) a édité en décembre 2001 un
rapport intitulé : " Evaluation de l'exposition aux
fibres d'amiante des populations riveraines d'anciens sites
industriels d'exploitation ou de transformation de l'amiante
"(**).
(**) Ce rapport
de 115 pages est consultable sur le site :
http://infoterre.brgm.fr/PDF/RP-51089-FR.pdf
Il est à remarquer
que ne sont pas pris en compte un certain nombre d'usines ou
chantiers, gros utilisateurs d'amiante (par exemple
chantiers navals, sidérurgie, chimie et
pétrochimie). Par ailleurs si le titre du rapport
laisse penser qu'il y a eu une évaluation
réelle de l'exposition des populations riveraines, il
apparaît qu'en réalité il ne s'agit que
d'un dénombrement des sites suspects, soit 423 sites,
et d'une inspection sommaire -de l'extérieur- de la
majorité d'un échantillon de 94 sites.
Pourquoi seulement 94 sites
? Probablement parce que le contrat ne permettait pas
-financièrement parlant- de faire mieux. Aussi dans
un premier tri 204 entreprises de pose d'isolation ou de
distribution de produits amiantifères ont
été écartées. Restaient 219
sites parmi lesquels n'ont été retenus non pas
les plus susceptibles d'avoir pollué l'environnement
-donnée difficile à repérer à
priori- mais ceux localisés dans les 11
départements ou il y avait plus de 5 sites
recensés ! D'où la liste des 94.
Pour la majorité des
94 sites les fiches ajoutent quelques lignes de description
du site, de son environnement et de son utilisation
actuelle, avec dans la majorité des cas une ou deux
photographies d'usine. Dans quelques cas -relativement
rares- il est fait état d'analyses d'amiante dans les
sols et l'eau, et encore plus rarement d'analyses d'amiante
dans l'air.
Deux questions :
-quelle information a été
diffusée aux mairies et aux DDASS sur les
risques potentiels liés à ces sites, par le
Ministère de l'Emploi et de la Solidarité,
par la Direction générale de la
santé et par l'Institut de veille sanitaire,
membres du Comité de pilotage du projet ?
Probablement aucune.
-qu'en est-il de la grande majorité des
sites non classés comme " à risque
avéré et maîtrisé " ? En effet
13 sites seulement (sur 423 !!) sont
déclarés " à risque
avéré et maîtrisé ". Nous
connaissons au moins l'un d'entre eux (le CMMP à
Aulnay sous Bois) où la population riveraine
témoigne depuis des mois, y compris par des
manifestations, qu'elle considère le risque comme
nullement maîtrisé. Pendant tout un temps,
tout un chacun pouvait pénétrer sur ce site
et encore aujourd'hui les jours de grand vent il
relâche des fibres sur l'école maternelle
voisine. Mais ce site -sur les 13- est le seul à
ma connaissance à être l'objet d'une
attention vigilante et permanente de plusieurs
associations locales. Qu'en est-il des 410 autres sites ?
Et des sites écartés de l'étude car
encore en activité, avec parfois comme aux
environs d'Eternit à Prouvy des montagnes de
déchets insuffisamment protégés,
sans parler du revêtement des allées de
jardin par des débris d'amiante-ciment
obligeamment fournis par l'entreprise !
Au minimum on est en droit
d'attendre des pouvoirs publics un courrier aux Conseils
municipaux concernés (les 423 et les autres) leur
communiquant les données recueilles sur les sites
industriels de leur commune ayant exploité ou
transformé l'amiante. Ce courrier devrait proposer
aux municipalités d'informer la population (par
exemple par les bulletins municipaux):
o Sur les risques à très long
temps de latence (20 à 50 ans), de fibroses
pleurales et pulmonaires et de cancers pouvant toucher
soit des travailleurs anciennement exposés dans
l'entreprise en cause, soit des personnes ayant
vécu dans son entourage. A titre d'exemple de
risques pour les populations ayant vécu dans
l'environnement d'une entreprise, les associations
à Aulnay sous bois (93), regroupées en
Collectif ont recensé plus d'une vingtaine de
victimes de l'amiante sans exposition professionnelle
mais ayant vécu dans un rayon de 500 mètres
autour du CMMP et sensiblement le même nombre de
victimes d'exposition professionnelle.
o Sur la nécessité de
désamianter selon les règles tout
bâtiment ayant appartenu à l'entreprise en
cause, avant sa démolition.
o Sur les risques liés aux sols de
l'entreprise et des lieux utilisés comme
décharge, risques qui impliquent que toute
intervention lourde sur ces sols doit être
précédée et accompagnée
d'analyses pour éviter la dissémination
d'amiante durant les travaux.
o Sur la nécessité de mesures
d'amiante dans l'air dans tout bâtiment public
ou privé, ayant pu être contaminé en
raison de sa proximité avec des sources de
pollution,( anciennes ou récentes ) en s'inspirant
des techniques de mesure dont il sera question ci-dessous
à propos du site d'El Dorado. Il est en effet
à remarquer, à partir des exemples en
Corse, aux Etats-Unis et au Québec, que les
bâtiments peuvent jouer un rôle de
piège pour ce type de pollution, piège
à poussières qui se remettent en suspension
en fonction de l'activité dans les locaux.
De plus il serait
indispensable que les DDASS adressent un courrier à
tous les médecins de ville concernés leur
demandant un signalement de toutes les pathologies
asbestosiques (au minimum fibroses pleurales et pulmonaires
et mésothéliomes), afin que ces DDASS ou les
médecins puissent ensuite faire connaître aux
victimes et ayants droit leurs possibilités d'obtenir
réparation.
L'ensemble des mesures de
prévention et de réparation à
prévoir au voisinage des mines d'amiante (ou de
minerais contaminés par l'amiante), tout comme au
voisinage des entreprises transformatrices ou utilisatrices
d'amiante, représente un programme à
construire avec un important budget à la clef. Pour
l'heure on peut être certain que ce programme ne verra
pas le jour ou sera réduit à la portion
congrue s'il n'y a pas obligation, par la loi ou les
tribunaux, de faire reposer tout ou une importante partie
des coûts d'études et de travaux, sur les
pollueurs connus et leur patrimoine.
El Dorado, Californie, ou comment évaluer
la pollution de l'air par les affleurements d'amiante dans
les sols :
Depuis deux ans le
problème des affleurements de roches amiantées
fait partie des préoccupations de santé
publique aux Etats-Unis. Des affleurements de serpentine
contenant des veines de chrysotile, ainsi que de roches
riches en trémolite et actinolite existent dans 20
Etats (sur 49) et, pour la seule Californie, dans 44 des 58
comtés. Pour l'instant, à notre connaissance,
il n'y a pas de véritable programme national de
repérage précis et de travaux pour
empêcher les émissions d'amiante dans
l'air.
Il y a par contre une
expérience pilote dans le comté d'El Dorado en
Californie pour optimiser l'étape des études
préalables et des travaux de confinement des sources
de pollution. Dans ce comté le danger a
été signalé en 1998, mais le peuplement
des zones à risque datant surtout des 20
dernières années, il n'y a pas eu
d'enquête médicale -compte-tenu des temps de
latence des pathologies en cause- permettant de quantifier
l'impact sanitaire des affleurements. C'est
l'expérience acquise autour de la mine de Libby qui a
permis aux professionnels de l'EPA de dégager trois
leçons qui ont permis d'aborder valablement
l'étude et la gestion des risques dans le
comté d'El Dorado, et qui permettront demain de mener
de telles actions en Corse et en Nouvelle
Calédonie.
Ces trois enseignements
qu'il faut désormais prendre en compte sont les
suivants :
- Des sols et débris contenant moins de 1
% d'amiante peuvent relâcher dans certaines
circonstances de l'amiante dans l'air à des
concentrations inacceptables.
- Le facteur critique conditionnant le niveau de
pollution est le degré de perturbation de ces sols
ou débris, associé au niveau
d'activité humaine sur le site ou à
proximité, mais également parfois à
d'autres facteurs comme le vent et la
sécheresse.
- Dans ces conditions les recueils " passifs "
d'échantillons d'air -comme sur une terrasse au
4ème étage à Bastia- n'ont pas
valeur pour apprécier le niveau
d'empoussièrement, de contamination, d'humains en
activité ou à proximité
immédiate d'autres personnes en activité.
Seuls sont alors recevables les échantillonnages "
dynamiques " où le capteur d'air est porté
par les personnes présentes sur un site, en
intérieur ou extérieur, lors
d'épisodes de travaux , de sport et en
général d'activités
génératrices de poussière, y compris
sur un chantier de travaux publics ou au bord d'une route
non goudronnée à l'occasion du passage de
voitures. Les prélèvements " passifs ", en
intérieur et en extérieur, hors
activité ou perturbation, doivent, dans la mesure
possible, être également recueillis. Ils
rendent compte alors soit des activités de
voisinage non immédiat, ou du bruit de fond du
site en situation non perturbée.
C'est sur ces bases que
l'EPA intervint en 2003 dans un lycée et ses
environs, dans le comté d'El Dorado en Californie.
400 échantillons d'air et 180 de sols furent
recueillis en focalisant l'attention sur les personnes
présentes sur les aires de jeux, les terrains de
football et de baseball, les sentiers de promenades en
vélo ou de jogging, etc.. Les échantillons
furent examinés au microscope électronique
à transmission (norme ISO) en décomptant soit
les seules fibres de longueur supérieure à
5µm, soit toutes les fibres de longueur
supérieure à 0,5µm. Pour les
premières les valeurs moyennes obtenues allaient de 6
à 34 fibres par litre, pour les secondes de 40
à 530 fibres par litre (activité :
vélo, jogging, jeux d'enfants, base-ball).
Trémolite et actinolite dominaient dans le domaine
des longues fibres et chrysotile dans celui des fibres
courtes. Ces valeurs considérées comme
inacceptables entraînèrent des travaux de
recouvrement de voies, de déplacement d'aires de jeux
et de sports, etc.. Le comté a engagé une
équipe de 12 personnes et un géologue pour une
inspection permanente en tous lieux avec toute une liste de
règlements et de conseils à la
population(*). Des cartes
géologiques mettant en évidence les zones
d'affleurement sont sur Internet.
(*) Pour
plus d'informations consulter par exemple sur le site "
El Dorado, California, asbestos ", les documents " Fact
sheet. Naturally Occuring Asbestos (NOA) in El Dorado
County " et " Beacom. Dust enforcment program
".
Concernant les
conséquences possibles pour la santé, l'EPA
n'exclut pas de voir apparaître des pathologies chez
les moniteurs, les chargés de maintenance en
extérieur, et chez certains sportifs ayant
séjourné dans le lycée
concerné.
Que conclure au niveau de
la Corse et de la Nouvelle Calédonie,
sinon que les trois leçons tirées des
expériences de Libby et d'El Dorado sont
transposables et doivent être acceptables comme telles
par les professionnels français. Avec une
réserve que l'on ne manquera pas de nous opposer au
niveau du coût de telles opérations de
prévention. On pourra d'autant moins rejeter cette
réserve qu'il est certain que même aux
Etats-Unis il n'y aura pas d'opérations comme celle
d'El Dorado au voisinage de toutes les zones d'affleurements
d'amiante, vu leur nombre et le niveau des
crédits.
Aussi, en conclusion, semble-t-il nécessaire,
par exemple dans un programme européen, de rechercher
les possibilités d'utilisation d'appareils à
lecture directe dans un protocole standard de simulation
d'activité. Une telle étape devrait permettre,
à moindre coût, de dépister avec l'aide
de géologues, les zones les plus actives, permettant
ainsi une information de la population et les travaux
d'urgence. Avant alerte et travaux, dans chaque zone
sélectionnée devraient être
prélevés, toujours dans un protocole standard
de simulation d'activité, deux ou trois
échantillons pour examen au microscope
électronique à transmission.
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