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 L'interdiction de l'amiante : une bataille planétaire

procès de Turin

Juin

 

Des révisions ont été adoptées ce mois-ci (juin 2023) aux codes de l'Organisation maritime internationale (OMI) interdisant l'utilisation de matériaux contenant de l'amiante. Les nouvelles restrictions - qui entreront en vigueur le 1er janvier 2024 - interdiront la nouvelle installation de matériaux contenant de l'amiante sur toutes les unités mobiles de forage en mer (UMFM) : "Toute réparation, tout remplacement, toute maintenance ou tout ajout à des parties fonctionnelles d'une UMFM doit être documenté par une déclaration de matériaux exempts d'amiante. Voir (en anglais) : MSC 107 : Révision du code UMFM pour améliorer la sécurité en matière d'amiante

Une semaine après qu'un jugement historique a été rendu par la Cour d'assises de Novara, en Italie, Bruno Pesce, militant en faveur des victimes, a analysé certains aspects du verdict dans l'article cité ci-dessous. Il s'agit, selon lui, d'une "sentence très importante : les arguments de la défense ont pour l'essentiel été rejetés, [...] si elle était confirmée par la Cour suprême, elle aurait une importance considérable en Italie et au niveau international". Voir (en italien) : Décision Eternit Bis : "La première étape est gagnée, mais la route est longue"

Le 12 juin 2023, une organisation non gouvernementale basée à Nairobi, l'African Centre for Corrective & Preventive Action (ACCPA), a intenté une action en justice auprès de la Haute Cour concernant les ventes de produits de poudre pour bébés de Johnson & Johnson (J&J) au Kenya. La pétition de l'ACCPA alléguait que les produits à base de talc, qui ont été retirés de la vente sur les marchés nord-américains et interdits de vente en Tanzanie, au Zimbabwe, au Congo, etc., contiennent des fibres d'amiante cancérigènes et, à ce titre, présentent un risque pour la santé des consommateurs. Voir (en anglais) : Johnson &Johnson poursuivi pour la vente de poudre pour bébés au Kenya

Des consultations en personne pour les personnes souffrant de maladies liées à l'amiante ont eu lieu dans la ville de Toyama, au Japon, le 11 juin. La séance de consultation était organisée par un groupe de soutien aux victimes de l'amiante qui a mis à disposition des conseillers spécialisés pour consulter les victimes de l'amiante qui avaient des questions sur une série de sujets. Selon Hiroatsu Narita, du secrétariat de la branche Hokuriku de l'association des patients et des familles atteints de mésothéliome et de maladies liées à l'amiante : "Dans la préfecture de Toyama, il y a moins de cas certifiés comme accidents de travail dus à l'amiante, et il y a des patients potentiels" qui ne sont pas identifiés. Voir (en japonais) : Une consultation gratuite sur les risques sanitaires liés à l'amiante est organisée dans la ville de Toyama pour la première fois en quatre ans

Commentant le verdict de culpabilité prononcé par un tribunal de Novara, en Italie, le 7 juin 2023, l'oncologue italien Frederic Grosso a déclaré : "Le massacre causé par l'amiante n'est pas terminé". Schmidheiny devrait investir une partie de son immense fortune dans la recherche d'un remède, par exemple en achetant une société pharmaceutique et en la mettant au service de la recherche d'un remède contre le mésothéliome. Covid nous a appris que si nous nous engageons tous à atteindre le même objectif, le remède sera trouvé". Voir (en italien) : L'oncologue Grosso : "L'hécatombe de l'amiante sera très longue, la vraie compensation pour les malades est d'investir dans les traitements."

 

Après des heures de délibération, le verdict tant attendu de la cour d'assises de Novara, en Italie, a été rendu le 7 juin 2023 dans une salle d'audience silencieuse. Le tribunal régional a déclaré le milliardaire suisse de l'amiante Stephan Schmidheiny coupable d'homicide involontaire aggravé sur 147 habitants et ouvriers de Casale Monferrato décédés à la suite d'une exposition aux fibres d'amiante d'Eternit. Il a été condamné à une peine de 12 ans de prison et à une interdiction d'exercer une fonction publique pendant cinq ans. La Cour a reconnu le droit des parties civiles à réclamer une indemnisation dans le cadre d'affaires civiles distinctes, mais a également accordé des dommages-intérêts provisoires à divers groupes de la société civile, organismes gouvernementaux, organisations et plaignants nommés. Article de Laurie Kazan-Allen (en anglais) : Une peine de prison historique pour le magnat suisse de l'amiante

Mai

Un rapport de Reuters sur les retombées des tremblements de terre de février 2023 en Turquie contient des chiffres stupéfiants : Les Nations unies estiment que la catastrophe a généré au moins 10 fois plus de décombres que le dernier grand tremblement de terre turc en 1999... Certains experts ont déclaré qu'une "catastrophe secondaire" de contamination pourrait être encore plus grave que les tremblements de terre eux-mêmes", un expert turc prédisant que 3 millions de personnes pourraient tomber malades en raison de l'exposition, après le tremblement de terre, à 85 000 substances toxiques déversées sur plus de 15 sites. L'effondrement de 300 000 bâtiments, dont beaucoup contenaient de l'amiante, a généré 100 millions de mètres cubes de décombres. En raison de l'ampleur de la catastrophe, les réglementations visant à protéger les travailleurs et le public des expositions à l'amiante ont été suspendues. Voir (en turc) : La poussière toxique du tremblement de terre en Turquie !

La semaine dernière, le ministre sud-africain des établissements humains, Mmamoloko Kubayi, a annoncé qu'une somme de 220 millions de rands avait été allouée à la mise en œuvre de 27 projets de désamiantage des toits des maisons construites par le gouvernement dans les régions de Eastern Cape, Free State et KwaZulu-Natal. Selon le ministre, les toits en amiante sont une "relique de l'apartheid" qui doit être éradiquée "en priorité". L'ancien responsable de l'ANC Ace Magashule, qui doit comparaître devant le tribunal en avril 2024, fait face à des accusations de corruption liées à un appel d'offres de plusieurs millions de rands pour l'éradication de l'amiante dans l'État libre, attribué à l'époque où il était premier ministre. Voir (en anglais) : R220 millions de dollars pour le désamiantage des toits dans la province du Cap-Oriental, l'État libre et le KZN

Un article publié le 11 mai 2023 sur un site web japonais par Manabu Shinbori, un architecte de la préfecture de Saitama, passe en revue les dommages causés à la santé humaine par l'exposition à l'amiante à la lumière des lois japonaises révisées. En 2017, plus de trois fois plus de personnes sont décédées d'un mésothéliome - le cancer caractéristique de l'amiante - qu'en 1995 ; la plupart des personnes décédées étaient des travailleurs de la construction ou de l'industrie manufacturière. Les détenteurs d'obligations doivent tout mettre en œuvre pour vérifier la présence et l'état des matériaux en amiante dans tous les bâtiments afin de se conformer à la réglementation. Voir (en japonais) : Modifications des lois relatives à l'amiante ?

La dernière pelletée de terre a été creusée pour la tombe de la Convention de Rotterdam (CR) le 12 mai 2023. Après une semaine tumultueuse de négociations, de crises de colère et de démonstrations, des intérêts rapaces - menés par les acteurs russes de l'amiante - ont réussi non seulement à bloquer les progrès de l'ONU sur l'amiante chrysotile (blanc), mais aussi à anéantir les efforts de réforme d'un traité qui n'est plus adapté à sa finalité. Après presque 20 ans d'existence et plus de dix ans de discussions pour améliorer l'efficacité de la CR, il pourrait être temps de se demander s'il est utile de maintenir en vie une Convention moribonde alors qu'il y a si peu d'espoir de rétablissement. Voir l'article de Laurie Kazan-Allen (en anglais) : Définition de la convention des Nations unies

Dans de nombreux pays à travers le monde, le 28 avril 2023 a été commémoré comme la Journée internationale de la mémoire des travailleurs (JIMT). Les syndicats, les fédérations du travail ainsi que les groupes représentant les victimes de maladies et d'accidents du travail ont pris des mesures pour mettre en lumière le prix payé par les gens ordinaires pour l'existence continue de pratiques de travail dangereuses et l'utilisation de substances dangereuses telles que l'amiante. L'IWMD est un canal précieux pour exposer le bilan humain de la réduction des coûts des entreprises, de l'incompétence des gouvernements et de l'incapacité des agences internationales à protéger les populations vulnérables. Le slogan de l'IWMD - se souvenir des morts, se battre pour les vivants - ne pourrait être plus approprié. Voir l'article de Laurie Kazan-Allen (en anglais) : Journée internationale de commémoration des travailleurs 2023

La onzième Conférence des Parties (COP11) à la Convention de Rotterdam (CR) sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international se tient actuellement à Genève (du 1er au 12 mai 2023). La CR est un traité de l'ONU conçu pour faire progresser la justice environnementale en imposant des contrôles sur le commerce des substances dangereuses. À huit reprises, des recommandations ont été formulées pour que des mesures soient prises concernant l'amiante chrysotile ; à chaque fois, un petit nombre de parties ont empêché la CR de le faire. Lors de la COP11, le comité d'étude des produits chimiques de la CR recommandera à nouveau d'ajouter le chrysotile à l'annexe III, la liste des substances soumises à des protocoles de consentement préalable en connaissance de cause. La Russie, qui a mené l'opposition à l'inscription du chrysotile précédemment, a déjà indiqué qu'elle le ferait à nouveau. Voir l'article de Laurie Kazan-Allen (en anglais) : L'amorce de la convention de Rotterdam en 2023

Avril

 

Des victimes de l'amiante et des syndicalistes d'Asie, d'Europe, d'Amérique du Nord, d'Amérique latine et d'Australie ont exprimé aujourd'hui leur inquiétude quant à la présence possible d'amiante au Centre international de conférences de Genève où les délégués de l'ONU se réuniront le mois prochain (mai 2023) lors de la 11e Conférence des Parties à la Convention de Rotterdam (COP11) pour discuter de la réglementation du commerce mondial de l'amiante. Le coordinateur du Réseau asiatique Ban Asbestos, Sugio Furuya, a déclaré : "Les délégués à la COP11 ont le droit de savoir si le bâtiment dans lequel ils se réuniront contient de l'amiante. À ce jour, les questions posées aux responsables du Centre de conférence et du Secrétariat de la Convention sur la présence de matériaux contenant de l'amiante dans le bâtiment sont restées sans réponse. Voir l'article de Laurie Kazan-Allen (en anglais) : Risque lié à l'amiante lors d'une réunion des Nations unies ?

La question de savoir qui doit payer pour les dommages causés par la décision de la marine brésilienne de couler son ancien navire amiral reste sans réponse. Le dépôt, la semaine dernière, d'une action civile publique par le procureur général de l'État brésilien de Pernambouc a ouvert une nouvelle étape dans cette triste histoire de subterfuge et d'incompétence. Une indemnisation de 322 millions de reais (65 582 795 dollars) est demandée "pour des dommages environnementaux, opérationnels et moraux" à quatre sociétés et à leurs directeurs qui, selon les allégations, ont abandonné le São Paulo en haute mer. En raison de leurs actions et omissions, le navire a été délibérément coulé par la marine à 350 kilomètres de la côte de Pernambouc en février 2023, après avoir passé plusieurs mois à la dérive, faute d'avoir pu trouver un port disposé à lui offrir un refuge. Voir l'article de Laurie Kazan-Allen (en anglais) : Monétiser leurs erreurs : payer la débâcle de Sao Paulo

Mars

Le 13 mars 2023, lors de la présentation du rapport annuel du Médiateur espagnol, des appels ont été lancés aux gouvernements d'Aragon, de Cantabrie, de Castille-La Manche, de Ceuta, de la Communauté de Madrid, de La Rioja et de la région de Murcie pour qu'ils mettent en œuvre, en priorité, des plans d'éradication de la contamination par l'amiante dans leurs juridictions. En vertu d'une loi de 2022, les municipalités disposaient d'un an pour réaliser des audits sur l'amiante ; nombre d'entre elles ne l'ont pas fait en temps utile, ce qui signifie presque certainement que la date limite officielle ne sera pas respectée. Voir (en espagnol) : Le Médiateur demande [aux autorités] de promouvoir le recensement des bâtiments affectés par l'amiante et d'accélérer l'élimination de cette substance toxique.

 

Lors d'une conférence de presse tenue le 13 mars 2023 dans la ville polonaise de Przysucha, la ministre du Climat Anna Moscou a annoncé l'allocation, par le Fonds de la voïvodie pour la protection de l'environnement et la gestion de l'eau à Varsovie, de 8,5 millions PLN (2 millions USD) pour les travaux d'éradication de l'amiante ; les communes locales peuvent demander jusqu'à 35 000 PLN par projet pour subventionner les travaux de décontamination. Voir (en polonais) : Ministre de Moscou : soutien aux collectivités locales de Mazovie, par exemple pour l'élimination de l'amiante

 

À partir du 1er avril 2023, les citoyens vietnamiens pourront bénéficier des prestations de l'État pour 35 maladies professionnelles supplémentaires, dont l'asbestose, en vertu de la circulaire 02/2023/TT-BYT modifiant la circulaire 15/2016/TT-BYT réglementant les maladies professionnelles donnant droit à l'assurance sociale. Lorsque les employés reçoivent un diagnostic de maladie professionnelle, il leur est conseillé de limiter les expositions toxiques et de se faire soigner, conformément aux protocoles du ministère de la santé. Dans le cadre du régime d'assurance, les personnes blessées ont droit à des soins infirmiers, à une réadaptation et à une réévaluation de leur capacité de travail en fonction de leur état. Voir (en vietnamien) : 35 maladies professionnelles donnent droit à l'assurance sociale

 

Dans un communiqué de presse publié le 10 mars 2023 par le Health and Safety Executive (HSE), il a été annoncé qu'à l'issue d'une enquête du HSE et d'un procès devant le Manchester Magistrates' Court, le directeur - Daniel Luke Cockcroft - d'une entreprise de désamiantage "prétendument" agréée - Asbestos Boss Ltd. - et l'entreprise elle-même ont été reconnus coupables d'avoir enfreint les règlements britanniques 8(1) et 11(1)(a) de la réglementation sur le contrôle de l'amiante (Control of Asbestos Regulations 2012). L'entreprise n'a jamais eu de licence pour l'amiante et n'a pris aucune mesure pour protéger les travailleurs ou le public contre les expositions toxiques. M. Cockroft a été condamné à six mois de prison et à indemniser ses victimes. La société n'a pas encore été condamnée. Voir : Une entreprise et son directeur sont poursuivis pour avoir procédé à un désamiantage dangereux dans toute la Grande-Bretagne.

 

Le 13 mars 2023, les autorités de la ville administrative spéciale de Suwon, en Corée, ont annoncé la mise à disposition de fonds pouvant aller jusqu'à 2 millions de wons (1540 USD) pour le démantèlement et l'élimination des matériaux contenant de l'amiante dans les crèches et les centres pour personnes âgées. Les propriétaires d'installations peuvent télécharger un formulaire de demande sur le site web de la ville spéciale de Suwon et le soumettre, accompagné d'autres documents pertinents, y compris une copie du rapport d'enquête sur l'amiante, du certificat d'enregistrement de l'entreprise ou du certificat d'enregistrement de la société, aux fonctionnaires de l'hôtel de ville de Suwon. Voir (en coréen) : Ville spéciale de Suwon, recrutement de participants au projet de soutien au démantèlement et à l'élimination de l'amiante

 

L'article cité ci-dessous fait état des préoccupations des habitants d'une zone densément peuplée de Cadix qui ont signalé que des travaux de désamiantage non programmés et mal conduits avaient créé un risque pour la santé des résidents. Les demandes d'information adressées aux sous-traitants chargés des travaux sont restées vaines, ces derniers affirmant que les plaignants n'étaient pas propriétaires, mais seulement locataires. Les demandes d'intervention du conseil municipal sont restées sans effet. Voir (en espagnol) : Les voisins de Guillén Moreno dénoncent le désamiantage "irrégulier" de leurs maisons

 

Février 

Une décision de la Cour suprême du Brésil (STF) attendue le 16 février 2023 concernant la poursuite de l'exploitation minière de l'amiante à Minaçu, en violation de l'interdiction de 2017 de la STF sur la production, la transformation et l'utilisation de l'amiante, a été reportée au 23 février. Le mémorandum cité ci-dessous exprime le soutien du bureau du procureur général (PGR) et du procureur général du travail (PGT), représentant respectivement les procureurs fédéraux et du travail, à une action en justice confirmant l'interdiction, en déclarant qu'"il n'existe pas de raisons de sécurité juridique ou d'intérêt social exceptionnel qui l'emportent sur les droits à la santé et à un environnement écologiquement équilibré..." Voir (en portugais) : PGR et PGT renforcent la nécessité d'interdire l'amiante chrysotile au Brésil

 

Le 17 février 2023, Wilson Buckingham, un patient atteint d'un cancer, a demandé à un tribunal des faillites du district occidental de Caroline du Nord de rejeter une proposition visant à permettre à Bestbell, une filiale de la société américaine Georgia-Pacific, défenderesse de l'amiante, d'entrer en état de faillite. Comme des milliers d'autres victimes du cancer, le procès intenté par Wilson Buckingham, atteint de mésothéliome, a été mis en suspens en attendant l'issue de la procédure de faillite de Bestbell. Les avocats de Buckingham ont déclaré que la faillite ne servait "à rien d'autre qu'à empêcher les poursuites liées à l'amiante de se poursuivre..." Voir (en anglais) : Un patient atteint d'un cancer demande au tribunal de mettre fin à la faillite de Georgia-Pacific pour cause d'amiante

 

Bien que le Vietnam dispose d'une politique appelant au désamiantage depuis 2014, aucune mesure efficace n'a été prise pour atteindre cet objectif. Le fait que le Vietnam importait 65 000 tonnes d'amiante chaque année a exacerbé le fardeau sanitaire de la population en raison des propriétés cancérigènes de l'amiante. Aux dangers posés par l'incorporation de nouveaux produits en amiante dans l'infrastructure nationale s'ajoutent les dangers posés par la détérioration des matériaux en amiante dans l'environnement bâti et naturel. Malgré l'omniprésence de ces produits toxiques, le public est très peu sensibilisé aux dangers pour la santé de l'exposition à l'amiante au travail ou à la maison. Voir (en vietnamien) : Les conséquences de l'exposition à l'amiante ne sont pas moindres que pour la dioxine

 

La législation nécessaire pour assurer la mise en place effective d'un Fonds espagnol d'indemnisation des victimes de l'amiante (le Fonds) reste en suspens quatre mois après que le gouvernement a approuvé une loi visant à créer le Fonds après une campagne soutenue des groupes de victimes de l'amiante et des syndicats. Le Fonds, qui sera géré par l'Institut national de la sécurité sociale, aurait dû être opérationnel à partir du 19 janvier 2023. Selon un porte-parole du ministère de l'inclusion, la nécessité de procéder à des modifications réglementaires avait retardé les plans de création du Fonds. Voir (en espagnol) : Le fonds amiante est toujours en attente de la réglementation pour indemniser les victimes

 

Le 16 février 2023, la cour d'appel de Turin a confirmé la peine prononcée à l'encontre du milliardaire suisse Stephan Schmidheiny, condamné pour l'homicide involontaire aggravé, en 2008, d'un ouvrier de l'usine d'amiante-ciment de sa société dans le Piémont. Les avocats de Schmidheiny ont déclaré qu'ils feraient appel. M. Schmidheiny a été jugé par plusieurs tribunaux italiens pour la mort par l'amiante de milliers de travailleurs et de membres du public. Le procès, qui a débuté le 9 juin 2021, devrait bientôt s'achever devant la cour d'assises de Novara, où Schmidheiny est accusé de la mort de 392 personnes.Voir (en italien) : Amiante et cancer, la sentence de l'entrepreneur suisse confirmée

 

Un blog de Greenpeace Turquie a mis en lumière les difficultés rencontrées par les personnes et les institutions dans les zones touchées par les tremblements de terre, qualifiés de "catastrophe multidimensionnelle", au début du mois. Le texte de Greenpeace mettait en garde contre les dangers des activités de nettoyage mal planifiées et la propension des autorités déjà sous pression à prendre des raccourcis tels que le déversement illégal de déchets toxiques. Les réglementations "visant à minimiser la quantité de déchets de démolition en les séparant à la source ... [et à empêcher le déversement] des débris qui en résultent dans les mers, les lacs et les cours d'eau" doivent être respectées pour éviter que la population et/ou l'environnement ne subissent de nouveaux dommages. Voir (en turc) : Plus de catastrophes dues au naufrage

 

Le 30 janvier 2023, un panel de trois juges de la Cour d'appel américaine du 3e circuit a rejeté la dernière tentative de Johnson & Johnson (J&J) de se décharger de dizaines de milliers de cas de contamination à l'amiante en déposant une faillite litigieuse. Dans leur verdict de 56 pages, les juges ont écrit : "LTL (la filiale dans laquelle les demandes d'indemnisation liées à l'amiante ont été déversées), au moment de son dépôt (de faillite), était hautement solvable et disposait de liquidités pour faire face à ses obligations". Les demandes d'indemnisation pour préjudice corporel avaient été déposées par des personnes qui prétendaient que les cancers qu'elles avaient contractés avaient été causés par l'utilisation de la poudre pour bébé à base de talc de J&J, contaminée par l'amiante. Voir (en anglais) : Un tribunal américain rejette la stratégie de faillite de J&J pour des milliers de procès liés au talc

 

L'"article" cité ci-dessous se lit comme un communiqué de presse de la Kostanay Minerals JSC, l'unique producteur d'amiante du Kazakhstan. Parmi les faits rapportés, citons : la production totale de la société était de 17,5 millions de tonnes (t) d'amiante blanc ; la production annuelle était de 250 000 t ; 95 % de tous les produits étaient envoyés en Ouzbékistan, en Inde, au Tadjikistan, au Sri Lanka, en Chine, au Turkménistan, en Ukraine, en Azerbaïdjan, au Vietnam, en Thaïlande et au Kirghizistan. L'imposition par les pays occidentaux de sanctions sur le commerce russe, a conduit Kostanay à remplacer les ports russes par des ports en Géorgie et en Lituanie. Le fait que l'amiante provoque le cancer n'a pas été mentionné. Voir (en russe) : Carrières de Kostanay : exploitation de l'un des plus grands gisements d'amiante au monde

 

Le 28 janvier 2023, la province sud-coréenne de Jeonbuk-do a annoncé son intention de s'attaquer à la contamination par l'amiante de 90 crèches. Les vingt-sept bâtiments les plus touchés - qui ont enregistré des niveaux élevés de fibres d'amiante en suspension dans l'air - seront démolis cette année. D'ici à la fin de 2024, l'amiante sera éradiqué des propriétés restantes. Selon un responsable provincial : "Nous avons lancé ce projet pour éviter l'exposition des nourrissons et des jeunes enfants sensibles à des substances nocives." Voir (en coréen) : Jeonbuk-do soutient l'élimination des matériaux en amiante dans 27 garderies cette année

Janvier

 

Revenant sur le fiasco du porte-avions São Paulo, l'éditorial cité ci-dessous cite un manifeste de groupes et de partenaires brésiliens selon lequel la situation est "un héritage maudit du gouvernement Bolsonaro". La crainte que le navire, désormais en possession de la marine, soit coulé a poussé les auteurs à avertir qu'il s'agirait d'une "catastrophe environnementale avec des répercussions politiques et d'immenses dommages environnementaux dus à l'existence d'amiante cancérigène, de possibles sources radioactives, d'arsenic, de PCB, de métaux lourds, entre autres agents nocifs...". Voir (en portugais) : Porte-avions brésilien avec de l'amiante à la dérive dans l'océan Atlantique : un autre héritage maudit du gouvernement Bolsonaro

 

Le 25 janvier 2023, il a été annoncé que la Cour suprême d'Italie avait rendu une sentence historique qui confirmait la responsabilité de la multinationale Solvay Chemicals, conformément à un verdict de la Cour d'appel de Florence. Il s'agit du premier jugement rendu contre Solvay ; un travailleur, qui a contracté des plaques pleurales et un épaississement de la plèvre à la suite d'une exposition à l'amiante dans l'usine de la société à Rosignano, recevra ~3 000 € (3 260 $ US). Commentant l'affaire, un expert a déclaré : "Cette sentence est historique car Solvay a non seulement toujours nié l'utilisation de l'amiante... mais a continué à nier les droits des personnes exposées qui ont contracté des maladies liées à l'amiante." Voir (en italien) : Dommages causés par l'amiante : une "sentence historique" de la Cour de Cassation condamne Solvay

 

Le 23 janvier 2023, il a été annoncé que le juge Alexandre de Moraes de la Cour suprême du Brésil (STF) avait suspendu un jugement de la Cour supérieure de justice, qui avait ordonné la suspension de la production de la mine d'amiante SAMA ; suite à ce jugement, l'exploitation de l'amiante restera légale pour le moment. En 2017, le STF avait rendu un verdict interdisant l'extraction, la production, la vente et l'utilisation de l'amiante au Brésil. Les parties prenantes de l'amiante ont fait appel de la décision, l'État de Goiás, qui exploite l'amiante, ayant adopté une loi annulant le STF. Voir (en portugais) : Minaçu : STF autorise la reprise de l'exploitation de l'amiante dans la commune

 

La Zurich American Insurance Company a été accusée de faire traîner inutilement la procédure judiciaire afin de forcer le plaignant Ralph Hutt à régler sa demande. Il y a quelques semaines, M. Hutt, qui souffrait d'un mésothéliome, s'est vu attribuer 36,5 millions de dollars par un jury du Montana qui avait accepté sa plainte contre Zurich, l'actuel propriétaire de la Maryland Casualty Company. Le jury a estimé que l'assureur n'avait pas protégé les mineurs contre les expositions dangereuses dans la mine de vermiculite de Libby, dans le Montana. Selon le procès intenté par Hutt à la Zurich : "Il est rentable pour la Zurich de manquer à ses obligations en matière de règlement des sinistres et d'augmenter ainsi le temps pendant lequel elle peut générer des revenus sur l'argent dû...". Voir (en anglais) : Une action en justice affirme que la compagnie d'assurance a délibérément retardé le traitement des affaires liées à l'amiante à Libby

 

Un commentaire du professeur Antonio Alarcó Hernández dans la Gazette médicale espagnole a passé en revue les principaux aspects de l'héritage de l'amiante dans le pays. Parmi les informations présentées, citons les suivantes : entre 1994 et 2008, 3 943 décès dus à l'amiante ont été enregistrés en Espagne ; au cours du 20e siècle, 2,6 millions de tonnes d'amiante ont été importées, les sommets de consommation ayant été atteints entre 1960 et 1980 ; 75 % de l'amiante a servi à la fabrication de matériaux de construction en fibrociment. L'auteur a soutenu les projets de création d'un système national d'indemnisation pour l'amiante et d'un programme d'éradication de l'amiante pour éliminer la fibre toxique et les matériaux qui la contiennent des infrastructures du pays. Voir (en espagnol) : Un danger latent et silencieux : l'amiante

 

Un verdict rendu cette semaine par un tribunal d'Amsterdam a conclu que la société FloraHolland avait fait preuve de négligence en permettant que des expositions à l'amiante se produisent à plusieurs reprises dans ses différents locaux, y compris le marché aux fleurs d'Aalsmeer. L'action a été intentée par un syndicat au nom de 15 employés actuels et le verdict signifie que si eux-mêmes ou leurs anciens collègues contractent une maladie liée à l'amiante, ils n'auront pas besoin d'intenter un procès pour obtenir une indemnisation. Dans son jugement, le tribunal a déclaré que, bien que FloraHolland ait su en 1990 que des matériaux contenant de l'amiante étaient présents dans ses locaux, elle n'avait pas émis d'avertissement au personnel avant 2009. Voir (en anglais) : Une grande vente aux enchères de fleurs néerlandaises a exposé ses employés à l'amiante pendant des années

 

Au cours de la deuxième semaine de janvier, un coroner de Gloucester a entendu des témoignages sur le décès de trois membres de l'équipe de maintenance d'une usine de Cheltenham, tous morts de mésothéliome, le cancer de l'amiante. Lors de l'enquête du 2 décembre 2022 sur le décès de Nigel Ibbotson, 61 ans, le coroner adjoint du Gloucestershire, Roland Wooderson, a appris que dans les années 1980, Ibbotson avait été régulièrement exposé à des matériaux contenant de l'amiante, notamment des plaques d'Asbestolux, sur différents lieux de travail. Un verdict de décès par maladie industrielle a été enregistré. Voir (en anglais) : Trois membres de l'équipe de maintenance de l'usine de Cheltenham sont morts d'un cancer lié à l'amiante à Gloucester

Les syndicats, en collaboration avec des scientifiques britanniques, ont annoncé leur intention de mener des recherches sur le risque que représente pour les enseignants le fait de travailler dans des écoles contenant de l'amiante, après que de nouvelles données aient montré une mortalité élevée due au mésothéliome chez les enseignants nés entre 1955 et 1974, à la limite de la "signification statistique". Commentant cette initiative, le co-secrétaire général du syndicat national de l'éducation Kevin Courtney a déclaré : "Cette recherche est d'une importance vitale. Nous pensons qu'elle établira une fois pour toutes le risque que représente l'amiante dans les bâtiments scolaires pour la santé des enseignants, du personnel de soutien et des enfants. Nous espérons que les résultats convaincront le gouvernement de la nécessité urgente d'un examen indépendant de la politique actuelle, qui consiste à gérer l'amiante plutôt que de l'enlever." Voir (en anglais) : Les syndicats britanniques font appel à un expert en cancérologie en raison des risques liés à l'amiante pour les enseignantes

Selon les statistiques publiées par WorkSafeBC - l'agence de santé et de sécurité au travail de la province canadienne de la Colombie-Britannique (C.-B.) - 17 des 29 travailleurs de la construction décédés de pathologies liées au travail en 2021 ont été tués par des expositions toxiques sur le lieu de travail. En Colombie-Britannique, les expositions à l'amiante tuent plus de travailleurs que toute autre substance toxique. Au printemps 2023, un nouveau programme de formation sur le contrôle de l'amiante sera lancé en C.-B. par la BC Construction Safety Alliance afin de former les 240 000 travailleurs de la construction et les opérateurs de désamiantage de la C.-B. Voir (en français) : Environ 30 travailleurs de la construction perdent la vie au travail chaque année en Colombie-Britannique

Le porte-avions São Paulo continue de hanter les côtes brésiliennes après que plusieurs autorités lui ont refusé l'autorisation d'accoster en raison de préoccupations liées à la présence d'amiante et d'autres substances toxiques à bord. Le 11 janvier, la société représentant le propriétaire turc du navire a déclaré que si les autorités n'assuraient pas au navire un lieu d'accostage, celui-ci serait abandonné. En réponse, la marine brésilienne a réitéré le 12 janvier sa position selon laquelle la responsabilité de s'occuper du navire appartenait à son propriétaire et non à la marine et que : "l'amiante existant actuellement sur le São Paulo ne présente pas de risques pour la santé, dans l'état où il se trouve". Voir (en portugais) : Un porte-avions dont la coque contient de l'amiante ne peut pas s'amarrer à Pernambuco

L'article du 12 janvier cité ci-dessous présente une accusation accablante de l'échec de la lutte contre la contamination généralisée par l'amiante à l'université de Durham. Soixante-quatorze bâtiments d'hébergement dans 10 collèges de l'université de Durham contenaient de l'amiante, dont 214 avaient reçu un score de matériau de 10 ou plus sur 12. Ce score indiquait que le matériau était considéré "comme ayant un potentiel élevé de libération de fibres et donc dangereux". Des rapports plus récents ont suggéré que l'état de l'amiante s'était détérioré au fil du temps, la quantité désormais considérée comme dangereuse ayant augmenté à 29 %. Voir (en anglais) : Plus de 1264 cas d'amiante découverts dans les bâtiments d'hébergement des universités

Des entrepreneurs mandatés par le bureau métropolitain de l'éducation d'Ulsan effectuent des travaux de désamiantage afin d'éradiquer cette substance toxique dans 16 écoles de Corée du Sud pendant les vacances scolaires d'hiver. Une fois les travaux terminés, le groupe de surveillance de l'amiante - composé de parents, de superviseurs de l'amiante, d'experts environnementaux externes, de représentants de la société civile et de membres du personnel scolaire - effectuera des tests de suivi pour mesurer la qualité de l'air à l'intérieur des salles de classe concernées. Voir (en coréen) : Bureau de l'éducation d'Ulsan, Amélioration de l'environnement éducatif dans 60 écoles de vacances d'hiver

 

Un programme municipal proposé aux propriétaires de la ville italienne de Chioggia, qui fait partie de la ville métropolitaine de Venise, a été, selon la conseillère pour l'environnement de la municipalité de Chioggia, Serena De Perini, "une occasion à saisir pour éliminer l'amiante en toute sécurité, en profitant également d'une incitation économique." Une subvention de 250 € (270 $ US) sera versée par le Conseil pour le coût de chaque contrat. Jusqu'à 1 000 kilogrammes de produits manufacturés à base d'amiante peuvent être enlevés dans le cadre de ce programme ou 75 mètres carrés de dalles. Voir (en italien) : Amiante dans les habitations civiles, Veritas offre la possibilité de s'en débarrasser en toute sécurité

 

Le 10 janvier, le gouverneur de l'État américain du Montana, Greg Gianforte, a annoncé que l'État s'était vu offrir 18,5 millions de dollars pour régler les plaintes relatives à la contamination par l'amiante causée par les activités de la mine de vermiculite appartenant à W.R. Grace dans la ville de Libby. La pollution de l'environnement s'est produite depuis le début de l'exploitation minière en 1963 jusqu'à son arrêt en 1990. Un programme de nettoyage mené par l'Agence de protection de l'environnement a coûté 600 millions de dollars ; en 2008, la société a accepté de payer 250 millions de dollars pour le coût des travaux de décontamination. Voir (en anglais) : W.R. Grace offre 18,5 millions de dollars pour régler les plaintes liées à l'amiante dans le Montana

 

Un financement de 2,4 millions d'euros (2,6 millions de dollars) provenant du programme de réhabilitation des environnements résidentiels de l'Union européenne a été affecté à des travaux de désamiantage de centaines d'appartements privés dans le quartier Juan de la Cierva de la ville espagnole de Getafe. Une partie de l'argent alloué sera utilisée pour des travaux visant à réduire de 35 % par an la consommation d'énergie pour le chauffage et la climatisation dans 250 propriétés. Voir (en espagnol) : GETAFE / 250 logements à Juan de la Cierva seront débarrassés de l'amiante


L'INTERDICTION DE L'AMIANTE : UNE BATAILLE PLANÉTAIRE

Si quelques voix s'élèvent à la fin des années 80 et au début des années 90 pour réclamer l'interdiction de l'amiante dans le monde, comme celle de la FITBB ( Fédération Internationale des Travailleurs du Bâtiment et du Bois) avec son Manifeste de Berne du 17 décembre 1991, le véritable coup d'envoi d'une bataille qui allait bientôt se dérouler sur tous les continents est donné les 17 et 18 avril 1993 en Italie à Milan lors de la rencontre internationale " Bastamianto " organisée sous le patronage de la région Lombardie. Scientifiques, chercheurs, spécialistes du monde médical, parlementaires, syndicalistes et représentants du monde associatif, réunis à cette occasion, lancent un appel pour que l'interdiction de l'amiante devienne enfin effective et totale. Ils précisent : "Cette loi d'interdiction ne règlera pas tout. L'assainissement des lieux contaminés, la surveillance épidémiologique des populations exposées, l'indemnisation des victimes seront à l'ordre du jour pour longtemps encore".

Naissance du réseau Ban Asbestos

C'est l'année suivante lors du Séminaire international " Amiante : bannissement ou usage contrôlé ? " tenu les 28, 29 et 30 mars 1994 à São Paulo au Brésil que sera tirée, au terme de trois jours de rencontres et de débats, la conclusion qui s'impose : il est temps de construire un réseau planétaire rassemblant tous ceux, organisés ou pas dans des syndicats, associations ou mouvements, qui ont décidé de mettre fin au premier crime de masse de l'ère industrielle. Ce sera l'acte de naissance du Ban Asbestos Network (BAN : réseau mondial pour l'interdiction de l'amiante).

Mais cette rencontre internationale au Brésil nous donne aussi l'occasion d'identifier sur le terrain ceux qui se rangent dans le camp des promoteurs de l'usage mortel de l'amiante. Pour que ce séminaire se déroule normalement, il a fallu en effet que le Ministère brésilien du Travail résiste aux pressions et autres tentatives d'intimidation de ceux qui entendaient bien voir se poursuivre partout dans le monde le business du " magic mineral " : pressions des exploitants de mines d'amiante représentés par la S.A. Mineraçao de Amianto (SAMA), du Comité Permanent Amiante français et surtout de l'Ambassade du Canada, affirmant ainsi clairement le rôle prépondérant joué par ce pays dans la défense, sur tous les continents, de l'utilisation de la fibre tueuse.

Le lobby canadien, qui - dans une union sacrée pour défendre son industrie minière et ses exportations porteuses de mort - rassemble, au nom du patriotisme économique, industriels, gouvernements fédéral et québécois, ainsi que certains syndicats, n'apprécie guère les empêcheurs de faire du business en rond. Il ne va pas tarder à se manifester de nouveau.

Le réseau Ban Asbestos prend pied ici et là, d'un continent à l'autre, et commence à rassembler les énergies. Les partenaires s'appellent :

Swedish Metalworkers'Union (Suède), Japan Citizens' Network for Wiping out of Asbestos (Japon), Medicina Democratica (Italie), Associazione degli Esposti all' Amianto (Italie), Bureau technique syndical européen pour la santé et la sécurité (Bruxelles), The Society for the Prevention of Asbestosis and Industrial Diseases (G.B), Hull Asbestos Action Group (G.B),Clydeside Action on Asbestos (G.B), White Lung Association (USA), Asbestos Victims Special Fund Trust (USA), Bond Beter Leefmilieu (Belgique), Alianza frente al Asbesto (Pérou)

Difficilement supportable pour le lobby et pour son centre nerveux canadien, l'Institut de l'Amiante, qui publie dès 1994 un document intitulé : "Ban Asbestos : une supercherie de fanatiques". De ce texte on citera simplement cette phrase : "La poursuite aveugle des buts exposés dans le manifeste du mouvement Ban Asbestos risque d'imposer des coûts énormes à la société et exposerait inutilement le public et les travailleurs à un risque plus élevé". Et l'on se posera simplement la question : existe-t-il un " risque plus élevé " que les millions de morts causés par l'amiante de par le monde, dont l'Institut de l'Amiante semble ne jamais avoir entendu parler ?

L'action de BAN en France et en Europe : un mouvement s'organise

Ces années-là, la bataille fait rage en France, pays qui occupe une place centrale dans la stratégie mise en œuvre par le lobby de l'amiante. Ce dernier ne se vante-t-il pas d'avoir torpillé toute évolution de la législation européenne vers une interdiction du matériau par l'intermédiaire du tristement célèbre Comité Permanent Amiante (CPA), fleuron de la désinformation à la française ? Saint-Gobain, qui contrôle une partie de l'extraction minière de l'amiante au Brésil, n'est-elle pas une des fiertés du capitalisme à la française ?

Le 25 août 1994 Ban Asbestos publie un communiqué de presse en réaction à la mort d'un sixième enseignant du Lycée professionnel de Gérardmer dans les Vosges, dont la cause semble imputable à la présence d'amiante dans les plafonds de l'établissement.

Extrait : " Bien que les différents Ministères concernés, et en particulier celui de l'Education nationale, aient été alertés dès début 1992, ainsi que le Conseil supérieur d'Hygiène publique de France, un recensement exhaustif des bâtiments floqués n'a toujours pas été mené à bien sur l'ensemble du territoire. Aucun plan de prévention impliquant une évaluation correcte des risques n'a été mis en œuvre. Le prétexte invoqué est toujours le même : il ne faut pas affoler "inutilement " la population…(…)Y a t'il encore quelqu'un responsable de la Santé Publique en France ? "

Il devient désormais impossible au lobby de l'amiante d'endiguer la déferlante qui s'annonce. En février 1996, Ban Asbestos participe en tant que membre associé à la création de l' Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante (ANDEVA). Les Pouvoirs Publics doivent se résoudre à interdire enfin l'amiante dans notre pays, mesure annoncée le 3 juillet 1996 et effective à compter du 1er janvier 1997.

Dans un communiqué en date du 5 juillet de la même année, le réseau BAN souligne que "les coûts de la reconversion et de l'indemnisation des victimes doivent incomber à l'industrie" avant de demander que "la France soutienne désormais un projet de directive européenne d'interdiction de l'amiante dans les pays de la CEE et que soit introduite dans la réglementation commerciale internationale une clause imposant aux firmes transnationales d'appliquer les réglementations en vigueur dans la CEE".

Chez les marchands de mort, on s'inquiète de l'évolution de la situation. Le 22 juillet 1997, l'Institut de l'amiante canadien réagit dans un mémorandum avec un seul mot d'ordre : "minimiser l'impact de la décision française en Europe et au niveau international"…. Non sans au passage reconnaître l'efficacité de notre travail : "The French government's decision underscores the effectiveness of the Ban Asbestos movement. It is expected that Ban Asbestos will move quickly in other countries in order to capitalize on its recent success in France" ("la décision du gouvernement français témoigne de l'efficacité du mouvement Ban Asbestos. On peut s'attendre à ce que ce mouvement s'étende rapidement à d'autres pays afin de capitaliser son récent succès en France") .

La bataille se déroule effectivement désormais au plan européen où BAN multiplie contacts et rencontres : le 13 mars 1997 séance de travail sur l'interdiction de l'amiante en Europe au Parlement européen de Strasbourg avec le député vert Paul Lannoye ; en juillet 97, contribution à la conférence nationale de l'AEA italienne à Milan. Pour autant le réseau ne néglige pas ce qui se passe dans l'hexagone et de premiers échanges permettent rapidement de comprendre l'importance de ce qui deviendra " l'affaire du CMMP d'Aulnay sous Bois ".

Le Canada et les organisations internationales

L'été 1997 va être marqué par une offensive du lobby de l'amiante avec la tentative d'instrumentaliser les organisations internationales :des scientifiques sont sollicités pour la relecture de chapitres d'un rapport de l'OIT (Organisation Internationale du Travail) intitulé " Exposition aux fibres naturelles et synthétiques ". En fait le rédacteur du chapitre sur l'amiante n'est autre que Jacques Dunnigan, qui a été longtemps porte-parole de l'Institut de l'amiante au Québec et l'éditeur en charge de ce travail n'est pas un inconnu pour tous ceux qui suivent ce dossier de près : il s'agit de Graham Gibbs, défenseur acharné et de longue date de l'industrie de l'amiante…La conclusion du chapitre est donc sans surprise : " Il n'y a pas de risque excessif pour les travailleurs manipulant de l'amiante chrysotile aux niveaux d'exposition actuellement contrôlés ".Devant le refus de beaucoup de scientifiques de voir leur nom associé à cette manœuvre et la protestation de nombre de syndicats, le rapport sera stoppé. Le rôle de veille de BAN, associé à d'autres réseaux de par le monde, voit son importance confirmée avec la mise en échec de cette manipulation vraisemblablement engagée dans la foulée d'une Conférence sur l'amiante organisée au Brésil en mai 1994 par les industriels pour contrer les effets de notre colloque de mars 1994.

Mais le Canada ne se décourage jamais : il tient à rester dans le peloton de tête des marchands de mort. Aussi attaque-t-il la décision française d'interdiction devant l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en mai 1998 avec pour objectif déclaré de " maintenir l'accès au marché pour les produits à base de chrysotile dont l'usage est sans risque quand il est utilisé correctement ". Ce sera désormais une constante dans la stratégie canadienne de pression tous azimuths : essayer d'accréditer l'idée que le chrysotile (amiante blanc) est inoffensif en comparaison des autres variétés d'amiante (comme la crocidolite ou amiante bleu). L'Institut de l'Amiante sera d'ailleurs débaptisé et deviendra l'Institut du Chrysotile…La ficelle est grosse : le chrysotile représente environ 90% de l'amiante produit et utilisé dans le monde. Il s'agit donc pour le lobby de sauver l'essentiel en se livrant à la désinformation la plus grossière puisque toutes les variétés d'amiante sont reconnues comme cancérogènes.

Vers une interdiction européenne de l'amiante

En cette année 1998 rien n'est encore joué au plan européen et l'offensive canadienne vise à empêcher l'Europe de basculer à son tour. Raison de plus pour ne pas faiblir ! En juin 1998 le réseau organise une réunion au Parlement Européen à Bruxelles qui rassemble parlementaires européens et représentants d'associations, de syndicats et de mouvements. L'objectif est de faire le point sur l'état d'avancement du projet de directive d'interdiction totale de l'amiante en Europe et de tout faire pour qu'il aboutisse. Laurie-Kazan Allen, qui publie depuis le début des années 90 la Ban Asbestos Newsletter, apporte alors une nouvelle impulsion à BAN en favorisant le rassemblement des différents réseaux déjà engagés dans la lutte contre l'amiante.

De cette rencontre va naître en 1999 IBAS (International Ban Asbestos Secretariat) C'est une instance d'information et d'appui au réseau. Celui-ci demeure ce qu'il est depuis la Déclaration de Sao Paulo : un réseau informel permettant l'échange d'information, la solidarité et le soutien aux actions de tous ceux qui luttent pour un bannissement mondial de l'amiante et pour que justice soit rendue aux victimes. Désormais Laurie Kazan-Allen sera l'infatigable animatrice d'IBAS. C'est en 1999 que l'Union Européenne décide de l'interdiction de l'amiante dans tous les Etats membres, cette interdiction devant être effective en 2005.

Toujours en 1999, BAN intervient dans la controverse devant l'OMC en envoyant une lettre à la Division du Commerce et de l'Environnement pour dénoncer le mythe de l'usage contrôlé de l'amiante et les mensonges propagés par le Canada dans son argumentaire.

Le mouvement international pour l'interdiction de l'amiante s'étend

L'année 2000 va être marquée par deux évènements : du 17 au 20 septembre se tient à Osasco au Brésil une Conférence internationale contre l'amiante. Après Milan en 1993 et Sao Paulo en 1994, cette rencontre est un nouveau temps fort de l'action de BAN. La ville d'Osasco n'a pas été choisie au hasard :elle a été pendant longtemps le centre d'une industrie brésilienne de l'amiante-ciment dominée par Eternit ( groupe suisse) et Brasilit (filiale de Saint-Gobain).

Des dizaines de délégations sont présentes, venues d'Afrique du Sud, du Pérou, d'Argentine, du Chili, du Mexique, des Etats-Unis, du Canada, de Grande-Bretagne, d'Italie, du Portugal, d'Inde, de Malaisie, du Japon, de Chine, d'Australie, etc… à l'invitation de l'ABREA (Association Brésilienne des Anciens Exposés à l'Amiante), de BAN et d'IBAS. En présence des pouvoirs publics de la ville d'Osasco, ces délégations mêlent syndicalistes, médecins, hygiénistes, militants associatifs et politiques, travailleurs sociaux, écologistes, épidémiologistes et surtout victimes et salariés exposés. Cette rencontre consacre une manière de construire une expertise collective par le partage des savoirs des uns et des autres et de repartir plus forts afin d'atteindre les objectifs fixés : dénoncer les stratégies de " double-standard " des multinationales européennes (Eternit et Saint-Gobain), faire reconnaître les droits des victimes, obtenir des pouvoirs publics qu'ils gèrent l'amiante en place sans dommage pour la santé publique et enfin progresser vers l'interdiction mondiale de l'amiante. A l'issue de cette Conférence, la municipalité d'Osasco annonce que l'amiante est désormais banni sur sa commune. Un petit pas de plus…

En septembre 2000, l'OMC rejette la plainte que le Canada avait déposé contre la France en considérant que l'interdiction était une entrave illégale à la liberté du commerce…Le Canada décide de faire appel.

Sur cette lancée l'année 2001 promet d'être animée et elle va l'être. Tour à tour l'Angleterre, la Belgique, la Hollande et l'Ecosse accueillent des rencontres permettant de renforcer la solidarité entre des participants venus de pays et de continents différents. Le 4 juin 2001 à Brighton, l' AG du syndicat anglais le plus engagé dans la lutte contre l'amiante (GMB's : General Municipal and Boilermaker's Union) est l'occasion de réaffirmer la nécessité d'une action internationale d'envergure.

Les 7 et 8 juin 2001 à Bruxelles, plus de 40 délégués venus d'une vingtaine de pays (dont beaucoup d'Europe de l'Est) se retrouvent à l'initiative d'IBAS et de l'ABEVA (Association Belge des Victimes de l'Amiante) .Ce séminaire permet aux participants de comparer et d'analyser les situations dans leurs pays respectifs et de faire pression pour que l'amiante ne disparaisse pas de l'agenda européen. Grâce aux témoignages des représentants de Lituanie, Pologne, Roumanie, Hongrie, Bulgarie et Slovaquie, l'étendue du désastre sanitaire que l'amiante a provoqué dans les pays d'Europe de l'Est devient palpable, son invisibilité étant due à la non-reconnaissance des maladies. Des nouvelles du Brésil permettent de mesurer " l'effet-domino "qui fait gagner du terrain à l'interdiction : les quatre Etats les plus industrialisés et bon nombre de villes sont gagnées mais toujours pas d'interdiction nationale en vue… Enfin l'analyse par Barry Castleman de la controverse Canada - France devant l'OMC met en évidence les pratiques anti-démocratiques tant de cette organisation que de son Organisme de Règlement des Différends (ORD) sur fond d'installation en catimini d'un véritable " gouvernement mondial " où les firmes transnationales dictent leur loi.

Deux autres réunions se tiennent également, l'une à Rotterdam en présence de députés, de juristes, de victimes et de chercheurs, l'autre à Glasgow ,véritable ville-témoin du désastre sanitaire causé par l'amiante dans une région, l'Ecosse, marquée par une longue histoire de chantiers navals et d'industrie lourde.

Mais l'Europe n'est pas la seule à bouger. Toujours en 2001 se déroule en octobre à Buenos Aires une rencontre latino-américaine sur l'amiante organisée par le Ministère argentin de la Santé avec le soutien de l'OMS, de l'ABREA et d'IBAS. Marquant la naissance d'un Forum Latino-Américain permanent ayant pour objectif l'élimination de l'amiante sur l'ensemble du Cône Sud, elle va permettre de faire le point sur une situation très variable d'un pays à l'autre. Le Chili interdit l'amiante en juillet 2001,suivi bientôt par l'Argentine, mais certains pays continuent de l'utiliser sur leur marché intérieur alors que dans le même temps ils l'ont remplacé par des produits de substitution pour l'exportation… Derrière ce constat, on retrouve comme toujours l'inacceptable logique du transfert des risques des pays dits " développés " vers ceux du " Tiers monde ". On retrouve également les habituelles pressions du Canada pour tenter d'empêcher toute décision d'interdiction, au Chili en particulier, mais ce n'est pas un scoop…

Pendant que le mouvement se renforce d'un continent à l'autre, une importante nouvelle est tombée en mars 2001 : l'organe d'appel de l'OMC confirme que la plainte du Canada contre la France n'était pas fondée. Selon le rapport, toutes les variétés d'amiante sont cancérogènes et le chrysotile ne peut être considéré comme analogue aux produit de substitution. Une belle victoire pour un mouvement social réunissant victimes, scientifiques, chercheurs, professionnels, syndicalistes et simples citoyens.

La mondialisation des luttes

L'année 2002 va s'ouvrir sur une première de taille : les 7500 mineurs sud-africains qui avaient porté plainte contre la multinationale anglaise Cape et bataillaient depuis 1997 afin que soient reconnues les conséquences dramatiques sur leur santé de l'exploitation des mines d'amiante sud-africaines, obtiennent gain de cause avec 21 millions de livres de réparation. C'est la fin du premier grand procès international de l'amiante.

Au cours des années suivantes, l'affrontement se poursuit sans répit d'un continent à l'autre entre le lobby pro-amiante emmené par le Canada bien sûr, mais aussi la Russie et la Chine, et tous ceux pour qui la santé publique passe bien avant les impératifs du commerce international.

Les Conférences se succèdent comme celle d'Ottawa du 12 au 14 septembre 2003 : " L'amiante canadien : une préoccupation mondiale ". Un véritable coup de pied dans la fourmilière, dans un pays qui figure parmi le trio de tête des producteurs mondiaux d'amiante et cela ne manque pas de faire réagir violemment le lobby contesté au cœur même de son territoire. La présentation des résultats de la première enquête épidémiologique sur les maladies liées à l'amiante (cancers et mésothéliomes), menée par Louise De Guire de l'INSP du Québec, ouvre une brèche dans le mur du silence qui empêche tout débat sur ce sujet et pour la première fois des Canadiens, y compris des syndicalistes, désavouent publiquement la position pro-chrysotile du gouvernement canadien. Quelques mois plus tard, le 5 décembre, se tiendra une réunion historique donnant le jour à la première association de victimes dans ce pays, Association des Victimes de l'amiante du Québec (AVAQ) .

Au début de l'année 2004, la situation devient très tendue au Brésil avec la violente mise en cause de notre amie, Fernanda Giannasi, inspectrice du travail dans l'Etat de Sao Paulo et bête noire des industriels. L'interdiction de l'amiante dans quatre Etats et 70 municipalités du pays est intolérable pour eux. Lettre anonyme, mise au placard, menaces… Il faudra une campagne internationale de soutien pour que l'administration brésilienne redonne à F.Giannasi une certaine liberté d'action. Et le 26 Août 2004, suite à une action en justice du Ministère Public de São Paulo (équivalent du parquet), Eternit est condamné à indemniser ses employés malades de l'amiante au Brésil. Ce jugement s'applique à tous les employés et ex-employés d'Eternit au Brésil. Plus de 2000 personnes sont concernées et le montant total des indemnisations pourrait atteindre 500 millions de reais (environ 160 millions €). Il s'agit d'une importante victoire pour les victimes de l'amiante au Brésil. Il faut, toutefois, noter que cette décision ne s'applique pas aux victimes d'autres compagnies, comme par exemple Brasilit (Saint-Gobain), même si on peut espérer que ce jugement fasse jurisprudence.

Le mois de mai 2004 voit se dérouler une première réunion internationale sur l'amiante en Pologne et une rencontre en Hollande organisée par l'Association hollandaise des victimes de l'amiante (Dutch Society for Asbestos Victims). Les questions de prévention et d'indemnisation sont au centre des débats. A l'automne c'est au Parlement européen que sont abordées les questions liées à l'interdiction programmée pour le premier janvier 2005 en Europe :que va-t-il se passer avec les nouveaux pays intégrant l'Union Européenne ? Où en est la prévention ?

A propos de prévention, une autre bataille se déroule sur le terrain de la Convention de Rotterdam qui oblige les producteurs de produits toxiques figurant sur une liste baptisée PIC (Prior Informed Consent) et périodiquement révisée à informer les Etats sur la dangerosité de ces produits, et ce avant toute mise sur le marché. En septembre 2004, l'inscription du chrysotile sur cette liste est à l'ordre du jour. Canada, Russie et Chine vont réussir à s'y opposer, une position dénoncée par l'association des victimes du Québec lors d'une conférence de presse.

Pour une interdiction mondiale de l'amiante

Enfin en novembre 2004 le Congrès international de Ban Asbestos (Global Asbestos Congress) se tient au Japon, événement particulièrement important sur un continent où le lobby est à l'offensive partout pour pérenniser l'usage de l'amiante(cf le congrès qu'il a organisé en Inde en novembre 2003).Il réunit des associations de 40 pays différents et près de 800 participants pour un bannissement mondial de l'amiante et pour que justice soit rendue aux victimes. Il est aussi l'occasion d'attirer l'attention sur l'intense propagande pro-amiante orchestrée par le Canada aussi bien en Afrique qu'en Asie et en Amérique latine pour faire prospérer le marché de l'amiante-ciment. Il permet enfin de pointer le développement d'un autre marché, celui du démantèlement des navires par des chantiers navals asiatiques où les travailleurs enlèvent l'amiante sans aucune protection. Les pays de l'Union européenne se permettent ainsi de dégager leur responsabilité en contrevenant aux règlements internationaux, notamment la Convention de Bâle, qui interdisent l'exportation de déchets toxiques. L'affaire du Clemenceau en fournira l'exemple parfait.

Mais la lutte ne se déroule pas que dans les salles de conférence ou par voie de presse. Ainsi en Egypte une lutte oppose fin 2004 les ex-ouvriers de l'usine de canalisations en fibrociment Ura-Misr au propriétaire et aux directeurs successifs : surexploitation des ouvriers, absence de protection pour le déchargement quotidien de 36 tonnes d'amiante et pour le travail au mélangeur, absence d'information, dissimulation des radios et examens de santé… Maladies et décès ne tardent pas à frapper avant que n'interviennent des licenciements abusifs, tandis que des salaires restent impayés depuis septembre 2004. Les ouvriers se battent pour la reconnaissance de leurs maladies professionnelles et l'obtention d'indemnisations. BAN se joindra à la campagne de soutien organisée par Réseau-Solidarité de la fédération Peuples Solidaires.

Le premier janvier 2005 l'interdiction de l'amiante devient effective dans tous les Etats membres de l'Union Européenne. C'est cette même année qu'éclate l'affaire de la " coque Q 790 " c'est à dire de l'ex porte-avions Clemenceau. Une longue bataille navale s'engage qui va mobiliser l'énergie de tout le réseau au plan international, l'enjeu n'étant rien d'autre que la fin de la Convention de Bâle. Elle trouvera son épilogue en 2006 et cette victoire mémorable sera riche d'enseignements.

Les 22 et 23 septembre 2005 se tient une réunion au Parlement européen à Bruxelles à l'initiative d'IBAS et de parlementaires européens. Le démantèlement des navires en fin de vie est à l'ordre du jour. Contact est pris avec l'association Justice environnementale basée à Genève ainsi qu'avec une association d'avocats bengalis qui mènent un gros travail au Bangla Desh.

L'intervention du Commissaire européen à l'Environnement, Stavros Dimas, conforte notre analyse de la situation du Clemenceau : la coque Q 790 est bien un déchet, qu'il s'agisse d'un matériel militaire n'y change rien, la France est tenue de respecter la Convention de Bâle et la Directive européenne sur le transport des déchets. Restera par la suite à explorer la possibilité de déposer plainte contre les armateurs qui continuent à agir en toute illégalité.

En cette année 2005 les choses bougent aussi en Suisse à l'initiative du CAOVA (Comité d'Aide et d'Orientation des Victimes de l'Amiante).L'interdiction dans ce pays a eu pour effet de faire retomber le silence sur la situation des victimes et sur la gestion de l'amiante en place. Le CAOVA tente d'organiser des plaintes collectives intégrant les immigrés en particulier italiens qui ont travaillé dans les usines suisses du groupe Eternit, mais aussi ceux qui ont travaillé dans les établissements italiens. L'enquête ouverte par le procureur de Turin avance et devrait déboucher sur un procès mettant enfin en cause Stephan Schmidheiny, magnat de l'amiante qui s'est refait un lifting médiatique en investissant le marché du " développement durable "…

En 2006 c'est bien sûr la date du 15 février qu'il faut retenir. En France, ce jour-là, le Conseil d'Etat suspend la décision d'autoriser l'envoi de la coque de l'ex Clemenceau vers la baie d'Alang en Inde. Victoire considérable due à un certain nombre de facteurs : le travail fait bien en amont par Jim Puckett du Basel Action Network et Martin Besieux de Greenpeace international lors de la rédaction de la convention de Bâle ; celui effectué par Greenpeace, la FIDH et une association du Bengladesh, Young power in social Action (YPSA), sur les conditions de travail des ouvriers du démantèlement des navires en Asie ; les liens établis avec les " activistes " indiens notamment lors du Global Asbestos Congress de Tokyo à l'automne 2004 ; le soutien de l'ARDEVA Sud-Est, de la CGT de Toulon et des contacts de Brest ; le travail remarquable du cabinet d'avocats Teissonnière - Topaloff - Lafforgue en collaboration avec Ban Asbestos-France ; la mobilisation de nombreux journalistes ; la réactivité totale de tous les acteurs de ce dossier mené au jour le jour ; la synergie des compétences et des mobilisations, en France comme en Inde ; enfin les bourdes de l'Etat français…

Conséquence de tout cela : la question de l'amiante est reposée de manière spectaculaire en Inde, pièce maîtresse dans la stratégie du lobby international et le mouvement mondial pour l'interdiction de l'amiante repart de plus belle.

Rien n'est gagné cependant. En septembre 2006, une nouvelle réunion pour la mise à jour de la liste PIC dans le cadre de la Convention de Rotterdam ne permet pas de faire sauter le verrou canadien, russe et chinois qui bloque l'inscription du chrysotile sur cette liste. Rendez-vous pour la prochaine mise à jour… En Asie, le débat continue à faire rage, les conférences organisées étant l'occasion de faire connaître notre point de vue, comme à celle qui se tient à Bangkok en Thaïlande en juillet 2006 et à laquelle participe Laurie Kazan Allen pour IBAS.

Le combat continue ….

La bataille pour l'interdiction mondiale de l'amiante lancée au Séminaire de São Paulo en 1994 est loin d'être terminée. Dans un premier temps, l'industrie a tenté d'empêcher l'interdiction en France. Elle a perdu. Puis elle a essayé de contenir cette interdiction au seul territoire français. Sans succès. Elle mène maintenant des batailles à retardement pour conserver notamment les marchés d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine. Ces pressions prennent différentes formes mais s'inscrivent toutes dans une stratégie de double-standard, dont l'affaire du Clemenceau est la dernière illustration.

Le Canada reste en pointe, avec son Institut du Chrysotile, pour défendre ce qu'il considère comme une industrie d'intérêt stratégique national, ce qui donne lieu à des manifestations de " patriotisme économique " où tous ceux qui dénoncent les dangers de l'amiante sont présentés comme des agents manipulés par des industries concurrentes (fabriquant des produits de substitution), " étrangères " de surcroît, visant à faire du tort à " l'intérêt national ". Le son de cloche est le même au Brésil où, par ailleurs, on assiste au développement d'une stratégie des multinationales consistant à se retirer - partiellement ! - en laissant aux opérateurs nationaux la gestion des sites pollués et la confrontation avec le problème des indemnisations à verser aux victimes.

Face à ces manœuvres destinées à retarder de quelques décennies supplémentaires une interdiction mondiale de l'amiante, un mouvement social sans précédent prend de l'ampleur. Il y a urgence : l'Organisation Mondiale du Travail (OIT) estime que le nombre de morts au travail causées par l'amiante s'élève à plus de 100 000 morts par an et le Docteur Jukka Takala de l'OIT affirme que cette évaluation pourrait être sous-estimée de 40%…. En 2006, lors de la 95e Assemblée générale, pour la première fois, l'OIT s'est prononcée pour la fin de l'usage de toutes les variétés d'amiante.

 

Patrick Herman, juin 2007